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du progrès réalisé : il y a vingt ans (1877) l’éclairage parisien ne consistait qu’en 13 milliards de bougies-heure ; il n’équivalait pas, en 1855, à plus de 442 millions de bougies. On peut estimer, comme il augmente sans cesse, que, depuis le milieu de ce siècle jusqu’en 1900, il aura centuplé. Et si la même statistique, facile à faire pour Paris, où les quantités de lumière consommées sont exactement connues par les comptes de l’octroi et des compagnies de gaz et d’électricité, pouvait être entreprise pour l’ensemble du territoire français, je suis persuadé que les résultats n’en seraient pas moins surprenans.

De ces 35 milliards de « bougies-heure », les bougies stéariques brûlées à Paris ne constituent que 331 millions ; mais s’ils forment moins du centième du pouvoir éclairant, les 360 000 quintaux de stéarine absorbent une proportion quinze fois plus forte de la dépense d’éclairage. C’est qu’en prenant pour base le prix de 90 centimes, auquel est vendue la livre, ou mieux les 485 grammes de bougie ordinaire, — je ne m’occupe pas des marques spéciales qui profitent de la superstition du public, — les 11 grammes consommés à l’heure coûtent un peu plus de 2 centimes par bougie.

Dix bougies reviennent donc à 20 centimes par heure, tandis que les mêmes dix bougies, fournies par l’huile de colza, coûtent quatre fois moins — 5 centimes — par le pétrole, huit fois moins — 2 centimes et demi — par le gaz, à l’état naturel, 3 centimes et, dans les becs du système Auer, un demi-centime environ ; enfin, par l’électricité ces dix bougies se paient de 4 à 1 centime, suivant que le courant est utilisé dans des lampes à incandescence ou dans des lampes à arc. Il est ainsi, dans la même ville, des sources de lumière dont les unes sont dix, vingt et jusqu’à quarante fois moins onéreuses que les autres.

Au-dessus de la bougie, dans l’échelle lumineuse, se place l’huile de colza : les 4 millions de kilogrammes qu’absorbent les lampes parisiennes représentent 994 millions de bougies-heure. Montons plus haut : voici l’électricité dont la consommation égale 1 740 millions de ces bougies ; c’est peu de chose encore auprès des 7 milliards de bougies que donnent les 25 millions de kilogrammes du pétrole. Le gaz enfin avec les 270 millions de mètres cubes, que les sept usines de la compagnie envoient chaque année dans les 77 000 lanternes publiques et dans les 2 millions de becs privés, fournit un contingent de 25 milliards de bougies-heure, plus des deux tiers de l’éclairage général.

Les réverbères de modèles variés, répartis dans les rues et les promenades, ne prélèvent pour leur part qu’un sixième — 46