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soutien de la Diaspora ; en faisant soigner des âmes prussiennes ou poméraniennes, il se console du déchet d’âmes badoises qu’il subit. Ce n’est guère au protestantisme que rapporte ce déchet. Dans les campagnes, l’église évangélique est forte encore, puisque, sur 100 fidèles, elle inscrit en moyenne 56 communions, et 28 environ fréquentent le prêche : chiffres convenables sans être brillans. Mais dans les grandes villes, le socialisme la cerne et la supplante ; il souffre peu de ce que fait l’Etat pour le protestantisme, et profite beaucoup de ce que fait l’Etat contre le catholicisme.

Majorité protestante ; attachement de la hiérarchie et des communautés à la foi positive et traditionnelle ; abstention de tout Kulturkampf ; corrélation parfaite entre le nombre des catholiques à la Chambre et leur nombre dans le pays ; déploiement fécond et libre d’une activité sociale catholique ; caractère strictement confessionnel de l’école ; irréprochable loyauté de l’Etat à l’endroit des diverses confessions : voilà des traits inverses de ceux que nous avons rencontrés en Bade. De tous ces traits, composez une image ; elle sera la représentation fidèle du Wurtemberg. Nous la pouvons faire très sommaire, puisque Bade] la complète, à la façon d’un repoussoir. On est très pieux en Wurtemberg, parmi les deux confessions ; dans l’église évangélique, les communions d’hommes sont relativement plus nombreuses que partout ailleurs en Allemagne, et l’on y craint les nouveautés anti-dogmatiques. On maintient, depuis plus de soixante ans, un régime scolaire qui installe les deux églises, avec d’amples pouvoirs, dans les écoles confessionnelles respectives, non point, à parler littéralement, comme souveraines absolues, mais comme représentantes de l’Etat dans ces écoles (ce qui entraîne, en fait, leur souveraineté) : de tous les États de l’Empire, le Wurtemberg est le moins laïcisé. De là la puissance que les clergés y ont gardée. Nous y avons vu de près, en 1895, et nous raconterons en son lieu, la formation du centre wurtembergeois : à l’époque du Kulturkampf, lorsque le Wurtemberg était comme une oasis de tolérance, l’existence d’un tel groupe passait pour oiseuse ; on l’a créé, l’an dernier, pour arracher au gouvernement l’une des rares satisfactions dont les catholiques wurtembergeois aient à déplorer l’ajournement, le rappel des ordres religieux ; mais ce jeune centre s’est tout de suite signalé comme un parti d’action sociale beaucoup plus que comme un parti de revendications confessionnelles. Il partage avec les progressistes le bureau de la Chambre et volontiers vote avec eux ; disloquant leur programme, il y combat les motions concernant l’école ; il y retient, et souvent prend à son compte, en les