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sujets catholiques soient privés de l’office divin, un prêtre habite à Neustrelitz ; jusqu’ici il n’a subi aucune tracasserie. » Si l’arbitraire est parfois émancipateur, plus souvent il se montre oppresseur ; c’est le cas pour Rostock, où la municipalité défend au prêtre catholique l’emploi de cloches et de tout signe extérieur qui pourrait indiquer une église. Nous voilà loin des triomphantes allégresses du catholicisme rhénan ; les conditions mêmes de la Diaspora diminuent singulièrement la vertu conquérante de l’Église romaine. Dans l’Allemagne du Nord, elle ne cherche point les conversions ; elle ne s’y installe que parce qu’elle y possède quelques fidèles installés, elle y conserve toujours un certain caractère exotique.


V

Nous avons sondé jusqu’ici les terroirs éminemment catholiques et les terroirs éminemment protestans. Cinq régions, en Allemagne, échappent à ces catégories : la liesse, le Palatinat, Bade, le Wurtemberg et la Silésie. Par excellence, elles sont des domaines mixtes : en Bade, les catholiques forment les deux tiers, et les protestans un tiers de la population ; c’est l’inverse en Wurtemberg ; dans la Hesse, les protestans sont un peu moins des deux tiers ; en Silésie et en Palatinat, les deux confessions se suivent d’assez près, avec une majorité pour les catholiques dans la première région, pour les protestans dans la seconde.

Hessische Abendmahl (la Pâque en Hesse), telle était la légende d’un tableau de M. Carl Bantzer, exposé à Dresde en 1895. Rien de plus simple que cette peinture, rien en même temps de plus grave : dans un temple, des femmes sont assises, avec de grosses bibles et l’originale coiffure des dimanches ; un peu alourdis par le recueillement et par des redingotes d’une coupe paysannesque, leurs maris s’approchent de l’autel pour communier. C’est ce qu’on appelle en Allemagne un tableau de Kultur, une page de peinture traduisant la civilisation d’un pays ; et les critiques d’art appréciaient dans cette toile une exacte révélation de la Hesse. Au fond des campagnes, en effet, la pratique pieuse survit, plus exacte dans la province prussienne de Hesse-Nassau que dans le grand-duché.

Les villes sont plus tièdes : le chiffre des communions protestantes ne dépasse pas 28 pour 100 à Darmstadt, 26 pour 100 à Offenbach, 36 pour 100 à Worms, 41 pour 100 à Mayence. A Francfort-sur-le-Main, ville d’affaires, on dirait que s’est établi je ne sais quel compromis, par lequel la population ne voudrait point trop de mal aux religions, pourvu que les religions ne