Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/820

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laborieuse que d’amener à une vie normale une communauté de Diaspora. On commence bien petitement, d’une façon qu’on pourrait dire infantile. L’histoire de Wismar peut ici servir de type. En 1871, pour 90 marks par an, les catholiques y louèrent une chambre : ce fut l’église. Le loyer parut trop lourd, et l’on installa le culte dans une salle de vieux couvent, désaffecté depuis la Réforme. Le couvent dut être évacué ; on se rabattit sur une chambre d’hôtel qu’on payait 150 marks ; le grand-duc, sur sa cassette, en versait 120. L’aubergiste, en 1877, prétendit élever ses prix ; il demanda 300 marks. Alors l’instabilité du domicile divin commença de déplaire, et l’on fit bâtir une petite église pour laquelle le grand-duc donna 3 000 marks. Location d’abord, puis achat et construction ; ces deux phases se retrouvent souvent au début des petits groupemens de Diaspora. La location, parfois, est gratuite ; l’évêque, en son rapport, rend hommage à la municipalité protestante de Gustrow, qui prête au culte catholique la salle de l’école, et à des propriétaires protestans d’Itzeloe, qui lui ouvrent un local. On achète à la longue « une maison et un fonds de terre, domum fundosque » où s’entassent côte à côte la chapelle, le logis du prêtre, l’école. Il faut à Dieu un certain confortable, sinon les plus distingués des fidèles lui marchandent leur visite. « Parmi les officiers et hauts fonctionnaires civils qui résident en Schleswig, on trouve souvent quelques catholiques ; l’aspect indigent et misérable de l’établissement catholique les détourne facilement de la pratique religieuse. » Cette élite a ses susceptibilités et ses dégoûts ; à Hambourg, où la communauté possède quatre écoles primaires et deux écoles supérieures, près de deux cents enfans catholiques fréquentent des établissemens protestans, « parce que les écoles catholiques paraissent tout à fait plébéiennes, admodum parun nobiles. » On pardonne malaisément au catholicisme, en certains milieux, et sa clientèle de pauvres et sa propre pauvreté.

Il arrive parfois que la question d’argent n’est point la seule à résoudre : des difficultés légales surgissent. On lit à plusieurs reprises, dans les rapports d’Osnabrück, à propos d’une école ou d’une église, cette curieuse formule : « Elle est officiellement reconnue, à ce qu’il semble, ut videtur. » Pourquoi ce léger doute ? C’est que, dans certains Etats, la mauvaise volonté de la bureaucratie ou la malveillance des lois pèsent lourdement sur les catholiques, mais sont contre-balancées par la gracieuse équité du prince. L’exemple du Mecklenbourg-Strelitz est frappant. « Bien que les lois civiles ne permettent pas à un prêtre catholique d’élire domicile dans ce grand-duché, pourtant, au su et avec l’agrément du grand-duc en personne, qui ne veut pas que ses