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journal de voyage, récemment mis en lumière par le P. Lecanuet, Charles de Montalembert, en 1834, écrivait : « La Westphalie est le foyer du catholicisme dans l’Allemagne du Nord, c’est la Bretagne germanique. » Ce témoignage demeure exact.

Dans quelle mesure la poussée des intérêts agrariens risque-t-elle, à la longue, de désorganiser le centre rhénan-westphalien, d’imposer des hommes nouveaux à la confiance des catholiques ruraux, et de troubler l’harmonie entre la vie religieuse et la vie publique ? Nous aurons à l’étudier. La plus récente manifestation du centre dans cette région fut l’élection législative de Cologne, en janvier dernier ; M. l’avocat Karl Trimborn recueillit un nombre de voix supérieur encore à celui que le centre obtenait d’ordinaire ; dès le premier tour, il fut élu. Un industriel de München-Gladbach, M. Brandts, et M. Trimborn lui-même comptent beaucoup, pour maintenir la discipline électorale, sur l’Association populaire pour l’Allemagne catholique (Volksverein für das Katholische Deutschland), dernière création de Windthorst, et dont ils se partagent la présidence. Cette association est destinée à répandre, à travers toute l’Allemagne, cet esprit d’initiative laïque et ce programme d’action sociale qui font la force du catholicisme rhénan. Le catholique de la Prusse rhénane est attaché à son autonomie ; il se dit volontiers Rhénan, tient fort peu à passer pour Prussien ; il a conscience de ce qu’il vaut ; et par surcroît il a l’ambition d’introduire en d’autres pays allemands ses procédés, ses allures et ses habitudes de succès. Il rêve que sa province soit un foyer ; et rappelant avec orgueil l’immense foule d’Allemands qui se pressait aux deux pèlerinages de Trêves, en 1844 et 1888, pour vénérer la sainte tunique, il conclurait volontiers que la Prusse rhénane est prédestinée, de droit divin, à régler dans l’Allemagne catholique les pulsations de la vie mystique, comme celles de la vie politique.

Entre l’Eglise polonaise et le peuple de Pologne se maintient aussi la plus intime union ; mais tandis que, dans la Prusse rhénane, la solidarité qui rapproche les prêtres et les masses est l’œuvre des temps récens, elle est, en Pologne, un legs du passé. Se drapant dans le deuil de ses fidèles, l’Église de Pologne les maintient et s’immobilise en une sorte de vie posthume, déjà plus que centenaire, faite de regrets, d’espérances, et d’élans vers une résurrection. A cet égard, la cathédrale de Posen a la valeur d’un symbole. Au-delà de la ville allemande, qui chaque année multiplie ses bâtisses, le petit pont de la Wartha conduit vers un faubourg étrange ; des bicoques mal alignées, si chétives et si basses qu’on les dirait désireuses de rentrer sous terre, font avenue jusqu’à la cathédrale, disgracieux et lourd squelette, fort