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fourmillement d’associations et de fraternités pieuses, œuvres de conservation, qui groupaient en des chapelles bien closes, pour la protéger contre le mal, une dévote élite triée dans la foule. Sans évincer ces Bruderschaften, qui dans certaines villes, comme Aix-la-Chapelle, résument encore presque exclusivement l’action catholique, les Vereine s’y juxtaposèrent, avec des cadres plus amples et des façons plus conquérantes. On y choquait les verres en même temps qu’on y mêlait les prières ; on s’y groupait pour la réalisation concrète et terrestre d’un certain idéal chrétien ; loin de fouiller la vaste pâte populaire pour en extraire le levain et empêcher qu’il n’y fût étouffé, on voulait, au contraire, qu’il fermentât au milieu de cette pâte : c’est sur de larges fondations que ces groupes nouveaux étaient assis. Ils dressèrent le peuple catholique à penser par lui-même et à agir par lui-même, sans attendre d’en haut, comme une sorte de supplément à la révélation, un mot d’ordre quotidien pour la conduite politique et sociale. Or il fallait que sur le terrain politique la prépondérance du catholicisme rhénan trouvât son expression : grâce à la vertu éducatrice des Vereine, cette expression put prendre une autre forme que celle qu’on appelle vulgairement le gouvernement des curés. Le centre rhénan est d’un acabit fort laïque : il se maintient, avec la hiérarchie ecclésiastique, en une communauté générale d’idées ; mais il la laisse en paix et elle le laisse en paix. De la Gazette populaire de Cologne, qui depuis trente-sept ans, avec un mélange presque artistique de souplesse et de fermeté, commente et conduit la politique du centre, jamais on n’entendrait dire sommairement, non plus que de l’ensemble des journaux catholiques allemands : « C’est l’organe de l’évêché. » Telle est, en son complexe aspect, l’orientation du catholicisme rhénan.

Il parlait aux foules de justice sociale, voire même d’ « exploitation capitaliste », avant que les socialistes ne se fussent présentés. Devancés dans la confiance du peuple, ceux-ci perdirent toute chance de victoire. Leur clientèle, composée surtout d’ouvriers immigrés, se trouve parfois en majorité pour certaines élections professionnelles ; mais pour les élections politiques, l’agglomération industrielle qui s’est entassée dans la région de Cologne demeure une bastille du centre allemand. Avec cette fidélité politique, la pratique religieuse va de pair, ainsi que le bon aloi des mœurs ; sur cent catholiques, on évalue de soixante-quinze à quatre-vingt-quinze le chiffre des communions pascales ; et si l’on excepte la petite principauté de Schaumburg-Lippe, enfoncée d’ailleurs comme un coin dans la Westphalie, cette dernière province et la Prusse rhénane sont les deux pays d’Allemagne où les naissances illégitimes sont le plus rares. Dans un