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chevalerie. C’est après la solennité que le comparse populaire est admis : dans une salle du palais, les princes et les chevaliers entrecoupent d’une série de toasts un déjeuner des plus somptueux ; ils se passent l’un à l’autre, en signe de fraternité, une coupe archaïque, pétillante de vin, qui dessine une tête de lion ; et derrière un léger rideau de gardes, le bon peuple de Munich défile, jetant sur le gala des coups d’œil brefs et surpris. Survivance d’un âge où la religion créait et ordonnait les fêtes de cour, cette cérémonie de la Saint-Georges, par le fait même qu’elle est un anachronisme, témoigne d’une fidélité littérale aux anciennes coutumes religieuses, trait distinctif de la piété bavaroise. La Bavière a des pèlerinages fréquentés ; Notre-Dame d’Alt-Oetting attire un grand concours de foule ; autour de l’image miraculeuse, des statues d’argent, à demi agenouillées, font sentinelle ; ce sont des princes de Bavière, chevaliers servans de la reine céleste.

« Tu ne peux pas aujourd’hui comprendre l’éclat de ton berceau ; tu ne soupçonnes pas pour quels sévères devoirs, pour quels douloureux renoncemens la destinée nous a élus. Tous s’inclineront profondément ; en face ils te souriront, et par derrière te déchireront ; n’aie point d’espoir en l’amitié. Mais ta vie épineuse connaîtra des heures de joie ; Dieu a voulu qu’il y eût des grands pour que le bien fût fait à profusion. Fais le bien ; trouver la reconnaissance, c’est chimère. L’ingratitude même t’est réservée ; le salaire, c’est Dieu qui l’offre ; à ceux qui ont fait le bien, il donne la paix. » C’est en 1881 qu’une infante d’Espagne, dont l’enfance avait été promenée dans l’exil, soupirait ces mâles leçons sur le berceau de sa nièce Mercedes. Devenue princesse de Bavière, appliquant ses propres conseils, elle incarne à Munich la charité catholique ; la « Séraphique Union d’amour pour les enfans pauvres et abandonnés », qui fait beaucoup de bien et en rêve plus encore, ne la point seulement pour bienfaitrice et présidente, mais pour collaboratrice de sa Revue, à laquelle elle adresse, entre autres oboles, celle de ses vers. C’est une cour officiellement catholique que la cour de Bavière.

Mais en dépit des pompes du catholicisme, en dépit même de ses œuvres, la prise qu’il avait jadis sur la vie publique bavaroise va s’affaiblissant. Munich est la seule ville catholique de l’empire où le socialisme se soit implanté ; il détache deux représentons au Reichstag, un au Landtag. Vainement chercheriez-vous, en Bavière, cette correspondance presque adéquate que l’on observe, sur d’autres points de l’Allemagne, entre les données de la statistique religieuse et le résultat des élections législatives : dans