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victimes, et n’était sans talent que pour louer et respecter.

Toute sa puissance était donc de destruction. La place qu’il venait d’accepter à l’Hôtel de ville ne lui permettait pas d’écrire, moins encore de juger, moins encore de railler, et suspendait sa force. Il ne la reprendrait que si, las de ce silence, tenté par la provocation de fautes qui prêteraient à sa verve, jaloux de rajeunir son influence, il reprenait la liberté. Et le jour où il redeviendrait une force, cette force serait pour le gouvernement un danger.


Gambetta, le plus jeune de tous, semblait être le Benjamin de la fortune. Elle lui avait prodigué les dons, fourni les occasions, il était de ceux que, même avant les preuves de leur mérite, annonce un renom de supériorité et comme un pressentiment de succès. Une plaidoirie politique avait suffi en 1869 pour le révéler à la France et le porter à la Chambre.

Sa parole ne ressemblait à aucune autre. Beaucoup avaient plus d’ordre, de logique, de clarté, de correction et de mesure, personne autant de spontanéité et de jaillissement. Les autres méditaient, lisaient ou déclamaient leur éloquence, lui vivait la sienne. Elle n’était pas une œuvre d’art, mais une force de nature, précipitait sa puissance comme un torrent son cours, entraînait dans sa masse et son mouvement l’auditoire avec l’orateur, belle contre toutes les règles, et incapable d’être imitée, précisément parce qu’elle n’était pas elle-même l’imitation de modèles antérieurs, mais le triomphe des dons les plus personnels, et surtout les plus innés, la puissance de la voix, la vigueur de l’action, la sympathie et l’autorité de l’homme.

Car cette maîtrise n’était pas seulement en l’orateur, mais en tout l’homme. Il ne semblait pas moins fait pour dominer un conseil que la tribune, et manier les individus que les assemblées. Une extrême promptitude d’intelligence, et, à peine apprise la moitié des choses, l’intuition du reste ; le talent de discerner les difficultés, l’art d’en suivre tantôt le siège méthodique et tantôt de les emporter d’assaut ; et, quoi qu’il résolût, un fond de confiance contagieuse, étaient ses qualités maîtresses de gouvernement. Dans ses rapports avec les hommes, toutes les apparences de la simplicité, de la confiance et de la bonté ; quand il voulait plaire et attacher, toutes les séductions de l’abandon et des caresses utiles ; quand il voulait être craint, tous les emportemens de la colère agitée et violente ; pour ceux qui s’engageaient dans sa fortune et lui étaient fidèles, la sollicitude, la partialité, la générosité d’un bon maître, mais les exigences d’un maître ; avec ses