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ses intentions actuelles, tôt ou tard elle sera définitivement et officiellement consacrée.

Aussi l’opinion est-elle favorable au gouvernement, et M. di Rudini ne parait pas avoir à craindre pour le moment les attaques de ses adversaires. Mais en même temps que la situation s’améliore, les partis reviennent à leurs tendances premières, et les membres de la gauche qui ont fait cause commune avec la droite contre l’ennemi commun, M. Crispi, commencent à reprendre leur allure d’autrefois. M. Imbriani a interpellé le gouvernement sur l’ensemble de sa politique étrangère. L’interpellation n’a pas eu de dénouement. M. di Rudini a demandé et obtenu sans peine que la suite du débat fût renvoyée après le budget. Toutefois, de part et d’autre, des déclarations intéressantes ont été faites et elles méritent d’être relevées. Malheureusement, elles ont conservé un caractère trop général pour qu’on puisse en tirer des conséquences tout à fait pratiques. On n’a guère parlé que du système d’alliances de l’Italie : comment M. Imbriani et M. di Rudini lui-même auraient-ils pu dire à ce sujet quelque chose de bien nouveau ?

M. Imbriani est l’adversaire de la triple alliance ; il est partisan d’un rapprochement avec la France ; il estime qu’on taquine inutilement la Russie ; il a peu de confiance dans l’Angleterre ; il trouve que la subordination de l’Italie envers l’Allemagne a pris un caractère excessif et presque servile. Il a soutenu son opinion avec une vivacité qui l’a fait rappeler à l’ordre. Avons-nous besoin de dire que, sur beaucoup de points, nous sommes de son avis ? Nous ne nous permettrions pas d’employer des expressions aussi vigoureuses et aussi imagées que les siennes contre l’inféodation de l’Italie à la triple alliance, parce que, de notre part, cela serait peu convenable ; mais nous serions tout aussi embarrassés que lui pour découvrir et pour signaler les avantages que l’Italie a retirés de la politique qu’elle a adoptée et qu’elle continue de suivre. M. di Rudini, dans sa réponse, a fait un grand éloge de la triple alliance : il a affirmé, ce qui fait toujours plaisir à entendre, que l’Italie y occupait une place égale à l’Allemagne et à l’Autriche. Il y a longtemps que l’opinion de M. di Rudini à l’égard de la triple alliance est connue : n’est-ce pas lui qui Ta renouvelée avant l’heure ? Nous ne lui en voulons pas parce que, s’il s’est trompé, c’est de bonne foi : la manière dont il pratique l’alliance montre qu’en la renouvelant il n’a pas obéi à un mauvais sentiment contre nous. Mais, en vérité, est-il permis d’établir, comme il le fait, la moindre analogie entre le rapprochement qui s’est produit par la suite entre la France et la Russie, et celui qui s’était fait antérieurement entre l’Italie et l’Allemagne ? M. di Rudini a invoqué notre exemple pour expliquer sa propre conduite et celle de son gouvernement. « L’Italie, a-t-il dit, n’a cherché dans la triple alliance qu’un point d’appui, comme la France en a cherché un dans la Russie,