que jamais ! » Et il développe sa pensée avec une ironie à ce point tendue qu’elle en serait insupportable si, comme ces épées pointues des légendes, qui se mettent à fleurir, ses sarcasmes acérés ne se résolvaient en un chant d’amour :
Laissez donc les arceaux elles colonnes des églises, mesdemoiselles, c’est vous que Dieu aime à voir ornées, non elles. Gardez vos roses pour vos cheveux, vos broderies pour vos vêtemens. Vous êtes vous-mêmes l’église, mes enfans ; veillez à ce que vous soyez enfin ornées comme des femmes professant la piété, avec les pierres précieuses des bonnes œuvres, — et en habillant vos sœurs pauvres comme vous-mêmes. Placez des roses aussi dans leurs cheveux ; placez des pierres précieuses aussi sur leurs poitrines, — veillez à ce qu’elles soient parées de votre pourpre et de votre écarlate, avec d’autres délices encore, à ce qu’elles aussi apprennent à lire l’héraldique dorée du ciel, à ce qu’elles connaissent de la terre non seulement les labeurs, mais les charmes. A elles aussi que les joyaux héréditaires rappellent l’orgueil de leur père, et de leur mère la beauté[1] !
Parvenu à ces sommets de la charité, l’amour ne peut s’élever encore qu’en rencontrant le Christ. Qu’est-ce qui l’y mènera ? Une dissertation théologique, une biographie pieuse ? Non, ce qu’il y a de plus profane au monde : une ballade que l’esthéticien redira en souriant à la fin d’une conférence sur l’éducation des femmes, intitulée : Des jardins des reines. Car cette poésie que l’Evangile ne refuse à personne, pas même aux poètes et aux conteurs, qui, sans accepter son enseignement, font profiter leurs œuvres de son charme, Ruskin en a imprégné toute sa passion esthétique. Et au moment où on la croit épuisée, à l’instant où il semble avoir fait dire aux figures des fresques et aux feuilles des arbres tout ce qu’elles disent d’humain, voici que, par un détour d’une infinie souplesse, en fredonnant une romance, il leur fait moduler des symphonies célestes. Et les âmes ferventes ou mystiques, que les grandeurs de la charité ont déjà conduites à l’esthétique de la parure, viennent maintenant à l’esthétique de la plante et de la fleur, ressuscitées au printemps en même temps que le Christ et parées de belles couleurs grâce à sa fine clairvoyance d’artiste, et à ses divines sollicitudes de jardinier :
- Viens dans le jardin, Maud,
- Car cette chauve-souris noire, la nuit, s’est envolée,
- Et le chèvrefeuille répand ses parfums,
- Et le musc des roses est dans l’air.
Ne descendrez-vous point parmi elles ? parmi ces douces choses vivantes dont le jeune courage jailli de la terre, en portant la couleur intense du ciel, fait monter la vigueur de joyeux épis ? et dont la pureté, lavée de la
- ↑ Deucalion.