dans les revers et les changemens de la fortune est peu : n’êtes-vous pas des amantes ? Être patientes dans le grand vide et le silence de la perte des êtres aimés est peu : n’aimez-vous pas encore dans le ciel ? Mais être héroïques dans le bonheur ; vous tenir avec gravité et avec droiture dans l’éblouissement du soleil matinal ; ne pas oublier le Dieu auquel vous vous confiez dans le moment où il vous donne le plus ; ne pas manquer à ceux qui se contient à vous dans le moment où ils semblent avoir le moins besoin de vous, telle est l’énergie difficile. Ce n’est pas dans la langueur de l’absence, ni dans le péril de la bataille, ni dans la consomption de la maladie que votre prière doit être la plus passionnée ou votre vigilance la plus tendre. Priez, mères et femmes, pour vos jeunes soldats, dans le moment où leur orgueil est en fleur ; priez pour eux lorsque les seuls dangers autour d’eux sont dans leurs propres volontés obstinées ; veillez et priez lorsqu’ils ont à faire face non à la mort, mais à la tentation[1] !
C’est l’amour aussi qui, ayant voilé ce que l’analyse a de trop minutieux, apaise ce que l’ironie du maître a de trop paradoxal. Car le mouvement imprimé à toutes ses pensées vient de l’humour aussi souvent que de l’amour. Il déconcerte par son persiflage comme il soulève par ses coups de lyrisme. Il disperse et il ramasse, il choque et il séduit. On ne s’endort pas avec lui, comme avec les poètes, au bercement rythmé d’un chant toujours tendre et noble ; il vous réveille, en plein lyrisme, par un violent paradoxe, débité sur un ton familier, quoique encore légèrement oratoire et qu’il qualifie lui-même de trop « antithétique » :
Le seul élément absolument et incomparablement héroïque dans la carrière du soldat me semble être qu’il est peu payé pour la remplir, — et qu’il l’est régulièrement, tandis que vous, commerçans et changeurs vous aimez à être payés très cher pour faire vos affaires et à l’aventure. Je ne puis jamais comprendre comment il se fait qu’un chevalier errant n’attend pas de paiement pour ses peines et qu’un colporteur errant en attend toujours, que les gens sont prêts à recevoir des coups pour rien, mais jamais à vendre des rubans bon marché, qu’ils sont disposés à aller en des croisades ferventes pour recouvrer la tombe d’un Dieu enterré, mais jamais en des voyages quelconques pour exécuter les ordres d’un Dieu vivant, — qu’ils iront n’importe où pieds nus pour prêcher leur foi, mais doivent être fort bien rémunérés pour la pratiquer, et sont parfaitement prêts à donner l’Évangile gratis, mais jamais les pains et les poissons[2].
Assez ! criez-vous… Mais l’auteur s’est lassé plus vite que vous encore. Son ironie ne se complaît pas en elle-même, en des jeux froids et inféconds. Elle ne naît pas de l’indifférence ou du mépris pour les hommes, mais de l’indignation contre le mal ou l’hypocrisie, — c’est-à-dire de l’amour. Ce n’est pas le produit d’un