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primitive qui leur a donné naissance, afin d’évoquer quelque chose de plus aux yeux :


Le pays qu’arrosent le Pô et l’Adige, Paese che Adice e Po riga, selon l’expression de Dante, est la Lombardie. et eût été assez désigné par le nom de sa rivière principale, mais Dante a une raison spéciale pour nommer l’Adige. C’est toujours par la vallée de l’Adige que la puissance des Césars allemands descend en Italie et ce pont fortifié que sans doute beaucoup d’entre vous se rappellent, jeté sur l’Adige, à Vérone, fut bâti de telle sorte que les cavaliers allemands pussent, de tout temps, trouver un sûr accès dans la cité. Cette cité fut leur première forteresse en Italie, où aidés par la grande famille des Montecchi, Montacutes, Montaigus ou Montagnes, seigneurs tirant leurs noms des pics des montagnes, en lutte avec la famille des Cappellatti, — gens à chapeau écarlate. Et cet accident de nomenclature, joint à la connaissance qui vous est familière des luttes réelles des monts aigus avec les bonnets plats ou pétases des nuages (qui donnent localement au mont Pilate son nom Pileatus) peut, sur plus d’un point, illustrer pour vous cette lutte de l’Empereur Frédéric II avec Innocent IV qui, dans le bien comme dans le mal, représente, à toutes les époques, la guerre de l’autorité solide, rationnelle et temporelle du roi avec l’autorité plus ou moins fantomale, encapuchonnée, imaginative et nuageuse du pape et de l’Église[1].


En vain pour excuser cette manie d’étymologie qui à tout instant l’égaré en des digressions, dit-il que « la subtilité philologique c’est la subtilité philosophique » : le but qu’il poursuit est bien moins la précision philosophique que l’éclat du ton.

Mais ce ne sont encore ici que des images pour les yeux de l’esprit : Ruskin entend frapper l’œil physique de son lecteur. Pour cela, il multiplie les exemples graphiques dans ses volumes. Partout où il peut donner l’exemple plastique à la place de l’exemple littéraire, il le fait. Aucune page de littérature ne vaudrait pour montrer les différentes façons dont Ghirlandajo et Claude Lorrain comprennent le même paysage, la juxtaposition des deux gravures que donne Ruskin au volume IV de ses Modern painters : nulle poésie, si suggestive fût-elle, ne nous mesurerait la distance qu’il y a entre le bœuf de l’art indien, conventionnel et froid, et le bœuf vivant d’une médaille grecque, comme les deux gravures réunies sur la page 226 d’Aratra Pentelici. Et enfin, bien que ceci soit plutôt un jeu qu’une démonstration, quand Ruskin nous montre sur la même page une exquise reproduction du Dieu humain, tel qu’on le comprenait jadis : de l’Apollon de Syracuse, en face d’un portrait de l’homme civilisé, un Londonien d’affaires, coiffé du tuyau de poêle, le nez chaussé de lunettes, les favoris embroussaillés, nous avons en peu de temps une sensation plus vive que

  1. Val d’Arno.