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Eglise et État — Pape et Empereur — Clergé et Laïcité — toutes ces choses sont des oppositions partielles, accidentelles, trop souvent criminelles, mais les élémens corporel et spirituel qui semblent adversaires, demeurent en une éternelle harmonie.

Non moins que la nouvelle arme de l’écu, la fleur de lys rouge a une autre signification. Elle est rouge, non comme ecclésiastique, mais comme libre. Non comme Guelfe contre Gibelin, mais comme laboureur contre chevalier. — Il n’est plus son serf, mais son ministre. Son devoir n’est plus servitium, mais ministerium, mestier.

Dessinez donc ce lis rouge et fixez-le dans votre esprit comme le signe du grand changement dans le caractère de Florence, et dans ses lois, au milieu du XIIIe siècle, et rappelez-vous aussi lorsque vous irez à Florence et que vous verrez cette puissante tour du Palazzo Vecchio (noble encore en dépit des calamiteuses et maudites restaurations qui ont aplani son rude contour et effacé par des barbarismes modernes sa charmante sculpture). Quand vous la verrez terminant la perspective ombrée des Uffizi, ou bien s’élevant sur la cité vue de Fiesole ou de Bellosguardo, — rappelez-vous que, comme la tour de Giotto est le monument le plus notable dans le monde de la religion en Europe, de même sur cette tour du Palazzo Vecchio, se déploya pour la première fois aux vents l’étendard du lis, enseigne de son commerce qui était libéral, — parce qu’il était honnête[1].


Qui vient ainsi de parler ? Un historien ou un enlumineur ? un philosophe ou un paysagiste ? Qui parlera des laves et des roches siliceuses, des poudingues et des calcaires, des terrains stratifiés du Cumberland et de la marche des glaciers de Suisse ? Encore un peintre qui considère la science comme un paysage dont les lignes changent peu à peu sous la poussée des éléments, aux glissemens et aux renouveaux perpétuels, dont les lois s’expriment par des figures dans les nuages et par des figures dans les fleurs. Les religions lui apparaîtront de même comme des fresques de Primitifs où les vertus théologales s’imposent par de jolis gestes, où les dogmes se mesurent à la pureté des couleurs. Le cycle entier des idées et des choses est ainsi parcouru, le pinceau à la main. L’auteur pense en images, — ce que justement ne font pas certains grands peintres de son pays ; — et par là, plus que par ses dessins et ses aquarelles, il se trouve être réellement un pittore et l’un des plus pittoresques du Royaume-Uni. Cela est si vrai que, dans les mots mêmes dont il se sert pour traduire ses images, il ne trouve jamais qu’il y ait assez de couleur. Il n’est point satisfait de l’idée générale, amorphe, décolorée par un long usage, qu’ils offrent à l’esprit. Comme un peintre qui presse ses tubes pour leur faire rendre un peu plus de cobalt ou de vermillon, il secoue les vocables jusqu’à en faire sortir l’image

  1. Val d’Arno.