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duré la révision de la constitution belge. Et comme, doctrinalement, la même conclusion s’imposait à toutes les écoles philosophiques, historiques et juridiques, pratiquement, sur le terrain législatif, la même solution se présentait à tous les partis ; car M. Helleputte ou M. le duc d’Ursel peuvent être suspects de tendresse pour la corporation chrétienne du moyen âge ; mais je ne sache pas que M. Féron, M. Janson, ni même M. le comte Goblet d’Alviella puissent l’être. Ces propositions ont contre elles pourtant de n’avoir pas été admises : la Belgique leur a préféré un simple expédient, le vote plural, mais il est bon d’en donner les motifs, qui se réfutent d’eux-mêmes.

On a dit : « La représentation des intérêts (c’était bien d’elle qu’il s’agissait) est impossible dans les conditions actuelles de notre état social. » Et voilà un bel argument, par lequel une réforme est arrêtée tout net, mais d’un a priorisme par trop décidé et tranchant ; autant vaudrait, a priori, l’affirmation contraire. Il ne faut pas affirmer, ni nier ; il faut voir. On a dit encore, et c’est la même idée sous une autre forme : « La représentation des intérêts a des côtés séduisans, mais les plus chauds partisans de ce système n’ont pas réussi à le traduire en formule pratique. » Et voilà aussi un bel argument, mais qui va très vite en besogne et que nous connaissions déjà.

M. Beernaert en convenait : « Le principe serait excellent. » Mais il avait peu de foi dans les partis : « On ne peut guère attendre d’eux que la pondération des divers intérêts puisse être étudiée et réglée dans un esprit de justice absolue. » Cependant, reprenait-on en chœur, si, à un moment donné, les questions économiques et sociales viennent à primer toutes les autres, à cette heure-là, lointaine encore, on se ralliera à la « représentation des intérêts. »

D’où nous tirons le droit de joindre aux exemples empruntés des législations positives ces propositions restées en chemin. Elles montrent que l’on pense toujours à la représentation organique, — dont la représentation des intérêts n’est qu’un aspect ; — que l’on y pense, non comme à une curiosité du passé, mais comme à une solution de l’avenir. De toutes les objections que l’on met en avant, de toutes les réserves dont on l’entoure, il n’en est pas une qui repose sur ce qu’elle serait une chose qui ne vit plus, mais sur ce qu’elle serait une chose qui ne pourrait vivre encore. Personne ne songe à en galvaniser les formes mortes, ces vieilles institutions qui sont comme le linceul dans lequel sont cousues les petites nations allemandes, au fond du tombeau où les mure l’empire. Personne n’invoque ou n’évoque le moyen âge ; on n’en cite les survivances que pour ne pas les imiter.