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Si, en effet, personne ne peut voter deux fois dans le même pays pour une même élection, les électeurs de la première classe peuvent pourtant, eux, voter dans tous les pays de la couronne où ils possèdent la qualité requise, c’est-à-dire un domaine foncier assez important. Ils y peuvent voter par procuration ; et cette procuration, qui, pour eux, mâles et majeurs, est facultative, pour d’autres est obligatoire. Elle est obligatoire pour les femmes, lesquelles, dans la première catégorie, ont, comme les hommes, le droit de vote, mais ne peuvent en user que par mandataires ; obligatoire aussi pour les corporations ou sociétés rentrant dans cette première catégorie : institutions ou établissemens, écoles, églises ou hospices propriétaires de grands domaines, lesquelles corporations ou sociétés sont investies du droit électoral, mais ne l’exercent, de même, que par procureur.

Ce sont bien là des inégalités entre les classes, et un privilège certain au profit de la première. Mais, à l’intérieur même de la quatrième classe, entre les électeurs du premier et du second degré, n’y a-t-il pas inégalité, si certains propriétaires de domaines fonciers, trop petits pour donner entrée dans la première catégorie, votent de droit, dans la quatrième, comme électeurs du second degré ? Et l’on s’arrête, sans rien dire d’autres inégalités encore qui, malgré l’abaissement uniforme du cens à cinq florins, peuvent résulter de la variété des législations provinciales sur la matière, puisque, en général, le droit électoral au Reichsrath autrichien suit le droit électoral aux diètes de pays ou assemblées provinciales.

Mais ainsi qu’il y a des inégalités dans le corps électoral, ainsi y a-t-il, d’autre part, des inégalités dans la représentation. Les 353 sièges de la Chambre des députés actuelle se répartissent entre les quatre classes d’électeurs dans la proportion suivante : la première classe élit 85 députés, la deuxième, 118 ; la troisième, 21 ; la quatrième, 129. Ce qui donne (chiffres de 1891) : à la première classe, grande propriété foncière, 1 député pour 63 électeurs en moyenne ; à la deuxième classe, villes, marchés et centres industriels, 1 député pour 44 854 âmes ; à la troisième classe, chambres de commerce et d’industrie, 1 député pour 27 électeurs ; à la quatrième classe, communes rurales, 1 député pour 142 754 habitans.

On voit que l’écart est immense entre les différentes classes : de 27 à 142 754. Et peut-être faudrait-il ajouter que, ces chiffres exprimant des moyennes pour toute la monarchie, l’inégalité n’est guère moindre dans chaque classe, entre les provinces. La première classe qui a, en Silésie, 1 député pour 18 électeurs, en Dalmatie n’en a 1 que pour 548 électeurs. La deuxième classe