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était en 1850 dans les colonies de l’est, à cause de la médiocre qualité du sol. Néanmoins cette reproduction, même à une échelle réduite, de l’Australie d’il y a quarante ans est fort intéressante.

La colonie de l’ouest n’est pas reliée aux autres par le chemin de fer. Elle était si chétive jusqu’à ces dernières années, avec ses 50 000 habitans, réunis presque tous à la pointe sud-ouest de son immense territoire, cinq fois plus grand que la France, qu’on n’avait pas jugé utile de construire 1 800 kilomètres de voie ferrée à travers des solitudes sans eau pour aboutir à un établissement d’aussi peu d’importance. Il est même probable qu’il se passera bien longtemps avant que le développement de l’Australie occidentale justifie la dépense que nécessiterait une pareille entreprise. Du reste, on se rend très facilement, en trois jours de navigation, de Port-Adélaïde à Albany, dernière escale australienne des grands paquebots européens ; c’est sur les bords d’un magnifique port naturel, le King-George’s-Sound, rappelant par sa double rade la disposition du port de Toulon, une petite ville de 3 000 habitans, toute surprise de voir débarquer tant de voyageurs depuis quelques années : on arrive à grand’peine à s’y loger en s’entassant à trois dans une chambre d’auberge. Sur une terrasse qui domine la mer sont quelques boutiques, quelques maisons neuves, que des banques y ont construites depuis la découverte de l’or dans la colonie ; beaucoup d’autres rues sont tracées, avec des trottoirs et des chaussées parfaitement tenus, mais les petites maisons s’y espacent à longs intervalles. Tout cela est tranquille, un peu vieillot ; les habitans eux-mêmes sont des gens de campagne dont l’expression est bien différente de celle des ouvriers, des anciens chercheurs d’or, des spéculateurs de Melbourne et de Sydney ; on rencontre plus d’une figure de vieux paysan, comme on n’est guère habitué à en voir en dehors de l’Ancien monde, et la petite église anglicane à la façade couverte de lierre, qui paraît bien plus que ses cinquante ans, semble avoir été apportée tout d’une pièce de quelque coin reculé de l’Angleterre. Les routes du voisinage, excellentes, bien qu’elles ne traversent qu’un pays granitique et pauvre, semé d’ailleurs d’une foule de magnifiques fleurs sauvages, restent encore comme témoignage des travaux des convicts et des services que la transportation a rendus à la colonie naissante.

Le chemin de fer vous mène en quinze heures d’Albany à Perth, capitale de la colonie, qui en est à quelque 400 kilomètres. Le pays est sablonneux, parfois marécageux, tout couvert de bois d’assez méchans eucalyptus, presque inhabité pendant la première partie du trajet. Voici ensuite quelques cultures, des