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profondeur de la grande baie, d’ailleurs bien protégée, de Port-Philip. Depuis très peu d’années seulement, les grands paquebots-poste d’Europe peuvent venir accoster à Port-Melbourne, le faubourg du sud de la ville. Mais la proximité des gisemens d’or de Ballarat et de Bendigo, plus encore que les hommes, a fait la grandeur de cette cité. Le site de Sydney, au contraire, était prédestiné avoir s’élever une grande ville, du jour où une race civilisée habiterait l’Australie.

Elle s’élève sur la côte méridionale de la magnifique baie de Port-Jackson, à mi-chemin de l’entrée et du fond de ce golfe étroit et ramifié, dont la profondeur est telle que des navires de 7 000 tonnes peuvent venir décharger au « quai circulaire », à vingt minutes de marche du centre même de Sydney. La salubrité des rives, la beauté de Port-Jackson, ne le cèdent en rien à l’excellence du mouillage. De Sydney à la mer, c’est sur la côte méridionale une succession d’anses profondes séparées par des promontoires rocheux, sur lesquels s’élèvent les villas des habitans aisés, jouissant de vues magnifiques, au milieu de leurs jardins pleins de fleurs et d’arbres variés qui viennent rompre la monotonie de l’éternel eucalyptus. La plus jolie de toutes ces anses est celle du jardin botanique, où croissent toutes les espèces de palmiers, d’araucarias, de fougères arborescentes du monde et d’où le regard s’étend au nord sur les jardins en pente de l’Amirauté et peut contempler le va-et-vient incessant des ferry-boats dans la baie : beaucoup de personnes habitent la rive septentrionale et se rendent en bateau à la ville : sur les eaux calmes et sous le doux climat de Sydney, où la gelée est aussi rare qu’à Palerme, et la pluie exceptionnelle en hiver, c’est le moyen de transport le plus agréable et le plus commode. Les bras très allongés et sinueux que Port-Jackson projette vers le nord, moins couverts d’habitations que les anfractuosités plus douces de la rive opposée, forment aussi de charmantes promenades. Ce qui manque seulement à ce paysage un peu trop doux, pour en faire l’un des plus magnifiques du monde, c’est, dans le lointain, un sommet saupoudré de neige, ou du moins une montagne de quelque hauteur. Un peu mièvre, tel qu’il est, il n’en justifie pas moins la fierté des habitans de Sydney, dont la première question à un étranger est toujours : « Que pensez-vous de notre port ? » Il faudrait avoir l’humeur bien difficile pour n’en point penser du bien, et l’on serait certes mal venu à le dire. La ville, moins prétentieusement élégante que Melbourne, est aussi moins banale ; elle est plus agréable, peut-être à un Européen qui, dans ses rues plus étroites