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passait de 79 000 à 211 000. Les colons sentaient eux-mêmes fort bien tous les avantages que leur procurait alors la présence des forçats : la preuve en est que la chétive colonie de l’Australie de l’Ouest demanda d’elle-même, en 1850, que des convicts y fussent envoyés, et la transportation continua dans cette colonie jusqu’en 1868.

Elle avait été abolie dès 1840 à Sydney ; en 1842 dans le district septentrional de Moreton-Bay qui devint ensuite la colonie de Queensland ; en 1853 en Tasmanie. Très utile aux colonies dans la période de leur enfance, la présence des condamnés finit, fort naturellement, par devenir insupportable à une société déjà nombreuse, pourvue de tous les organes qui lui permettent de se soutenir par elle-même. L’Angleterre comprit alors que son devoir était de ne pas mécontenter les colons et s’inclina devant leur légitime désir.

D’autre part, ce fut la vente des terres à haut prix, qui fonda la prospérité de l’Australie Méridionale et du district de Port-Philip, qui se détacha en 1851 de la Nouvelle-Galles du Sud pour former la colonie de Victoria. Dans cette dernière région, dont la colonisation date de 1835, le prix des terres fut fixé à 63 francs par hectare dès 1840. Dans la partie centrale de la Nouvelle-Galles du Sud, le même prix, très élevé pour des terres vierges, fut adopté en 1843. L’Australie du Sud avait été fondée en 1836 par une société imbue des théories de E. G. Wakefield qui faisait reposer précisément toute la colonisation d’un pays neuf sur la vente à haut prix des terres : l’argent que se procurait ainsi le gouvernement devait être employé intégralement à subventionner l’immigration, les travaux publics étant effectués au début avec des emprunts gagés par les ressources futures de la colonie. Ce système d’emprunts était une chimère et Wakefield exagérait en prétendant consacrer tout le produit de la vente des terres à l’immigration subventionnée ; aussi son plan aboutit à la banqueroute. Il n’en est pas moins vrai que la vente à haut prix des terres est un excellent moyen de n’attirer que des immigrans munis de capitaux suffisans pour se livrer à une culture efficace, en même temps que de procurer d’importantes ressources à une société naissante, que des impôts élevés écraseraient : c’est aussi une façon de procurer de la main-d’œuvre aux colons, parce que les immigrans subventionnés à l’aide, sinon de la totalité, du moins d’une partie du fonds provenant de la vente des terres, sont le plus souvent obligés, à leur arrivée dans la colonie, de gagner d’abord, comme salariés, la somme assez élevée qui leur permettra ensuite de devenir propriétaires. Ce système ne