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actuellement les États-Unis fut-il négligé pour le Mexique et le Pérou, et de même l’Australie pour les îles de la Sonde. Les Anglais durent se contenter de ce qu’avaient délaissé leurs prédécesseurs, des terres vacantes, peuplées de tribus sauvages, qui ne contenaient, ou ne paraissaient contenir ni épices, ni métaux précieux, c’est-à-dire des régions tempérées de l’Amérique du Nord. Après avoir perdu ce premier empire, ils furent encore assez heureux pour trouver libre l’immense continent australien. Il était pourtant connu depuis longtemps, figurait déjà sur les cartes du XVIe siècle sous le nom de Java-la-Grande ; ses côtes avaient été explorées en détail par les Hollandais dans la première moitié du XVIIe siècle. Mais ils avaient dédaigné Java-la-Grande pour Java-la-Petite, le continent au climat inégal, à la végétation sombre et morne, aux côtes précédées de récifs dangereux, pour l’île luxuriante où le commerce des épices et le travail d’une nombreuse population indigène enrichissaient vite les Européens.

Les Anglais se trouvèrent ainsi maîtres de nouveau d’une terre qui n’offrait de grandes ressources ni par les plantes ni par les animaux qu’elle contenait lorsqu’ils l’occupèrent ; où l’existence de richesses minérales n’était pas soupçonnée ; où n’habitait point de nombreuse population que les blancs pussent faire travailler pour eux, mais qui se prêtait merveilleusement à l’immigration des hommes, des animaux et des plantes d’Europe. Ils ne semblent pas s’être rendu compte d’abord de l’importance de leur nouvelle possession, où ils s’étaient établis uniquement en vue d’y pouvoir déporter leurs forçats. Après la révolution d’Amérique, l’Angleterre a considéré quelque temps sa carrière coloniale comme terminée en dehors de l’Inde. Toutefois, cet état d’esprit dura peu, et, ce qui le prouve, c’est l’inquiétude que lui inspirèrent les nombreuses visites des vaisseaux français dans les mers australiennes à la fin du XVIIIe et au commencement du XIXe siècle. On a pu dire en effet que la France avait manqué de six jours l’empire de l’Australie : en 1788, moins d’une semaine après que le capitaine Philip eut débarqué à Botany-Bay, La Pérouse entrait dans le même port ; il n’est pas absolument certain, cependant, qu’il eût l’intention d’en prendre possession. Mais cette expédition fut suivie d’autres. En 1801, les navires le Géographe et le Naturaliste, sous les ordres du commandant Baudin, firent la circumnavigation de l’Australie et explorèrent surtout minutieusement l’angle sud-ouest du continent. Ils avaient été envoyés par le Premier Consul, qui, au milieu des préparatifs de la campagne de Marengo, avait eu le temps de donner des ordres pour