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digne de ce nom, dont le pic le plus élevé dépasse à peine 2 000 mètres, s’allonge à une distance de cent à deux cents kilomètres de la côte orientale ; en arrière, tout l’intérieur n’est plus qu’un vaste plateau, de peu d’élévation, inclinant vers une dépression allongée, dont le fond est occupé par des marais et des lacs salins qu’un seuil sépare d’une des rares indentations importantes de la côte de l’Australie, le golfe Spencer : c’est une disposition géographique tout à fait semblable, sur une plus vaste échelle, à celle des grands chotts qui s’étendent au Sud de l’Algérie et de la Tunisie, en arrière du golfe de Gabès. Les cours d’eau côtiers, descendant des montagnes de l’est et des croupes qui terminent le plateau au nord et au sud, sont nombreux, mais de peu d’étendue. Dans l’intérieur, où les vents pluvieux n’arrivent guère, se trouvent seulement quelques lacs salés, le plus souvent à sec. Un seul système fluvial pénètre au loin vers le centre, c’est celui du Murray et de ses affluens qui prennent naissance sur le versant intérieur de la chaîne de montagnes orientale. Sur les cartes ces rivières forment une ramure imposante ; mais il faut en rabattre dans la réalité : tous ces cours d’eau dont les sources sont exposées aux longues sécheresses d’un climat brûlant, — on a vu le thermomètre s’élever à Bourke, sur le Darling, à plus de 50 degrés, — ont un régime fort irrégulier ; cependant, au printemps des bateaux plats peuvent remonter à plusieurs centaines de lieues de la mer, pour aller chercher les laines de l’intérieur. Le point extrême de la navigation sur le Darling aux hautes eaux est à 1 700 kilomètres de l’embouchure du Murray. Mais le manque de bonnes communications fluviales dans presque toute l’Australie n’en est pas moins une des grandes infériorités de ce continent.

La flore et la faune australiennes ont le même caractère inachevé et primitif que la terre qui les porte. Cette immense contrée a bien moins d’espèces végétales que l’archipel restreint de la Nouvelle-Zélande : l’eucalyptus est presque le seul arbre australien ; raide et peu gracieux avec ses branches tordues d’où pendent en longs rubans des lambeaux d’écorce et que terminent les maigres touffes d’un feuillage terne, vert sombre ou gris bleuâtre, il forme d’interminables forêts clairsemées où l’on trouve à peine de l’ombrage. L’île de Tasmanie tout entière, grande comme dix départemens français, n’est qu’une seule forêt d’eucalyptus, et sur le continent australien l’eucalyptus couvre d’une façon continue des étendues plus considérables encore, surtout aux abords des côtes. Dans les vastes régions de pâtures du Murray et du Darling, de l’intérieur des colonies de Nouvelle-Galles et de Victoria,