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arrivés vers 1814 ; s’ils ne purent déterminer leurs féroces convertis à cesser de s’entre-tuer, ils les détachèrent du moins peu à peu du cannibalisme, en introduisant des animaux domestiques qui prospérèrent. C’est à leur instigation que les principaux chefs signèrent en février 1840 le traité de Waitangi, par lequel la Confédération des Tribus-Unies de la Nouvelle-Zélande acceptait le protectorat anglais. À ce moment même la France se préparait à prendre possession des îles. Une Compagnie nanto-bordelaise de la Nouvelle-Zélande, fondée en 1837, avait acquis l’année suivante, d’un capitaine baleinier, Langlois, quelques centaines d’hectares de terre, qu’il avait achetés aux Maoris d’Akaroa dans l’île du Sud. A la demande de cette société et d’un de ces aventuriers comme il y en a tant dans notre histoire, le baron Thierry, qui avait essayé de se créer un royaume en Nouvelle-Zélande, le gouvernement français envoya la corvette l’Aube chargée de prendre possession de l’île du Nord, puis de celle du Sud et le transport Comte-de-Paris qui devait débarquer soixante émigrans à Akaroa. L’Aube arriva trop tard, en juillet 1840 ; le gouverneur anglais déclara que la possession de l’île du Nord entraînait celle de l’île du Sud et envoya aussitôt un navire de guerre planter le drapeau britannique à Akaroa. Quelques-uns des émigrans du Comte-de-Paris y restèrent pourtant, et de nombreux noms français s’y trouvent encore. La Nouvelle-Zélande, si salubre et dont le climat est si voisin du nôtre, aurait été pour la France une admirable colonie ; on est malheureusement en droit de se demander si nous aurions eu assez d’esprit de suite pour en poursuivre le développement, pour ne pas abandonner même cette terre éloignée où il fallut pendant trente ans batailler avec les indigènes.

Aussitôt que les Européens arrivèrent en nombre et firent mine de s’établir à demeure, la guerre commença. C’est la question des achats de terre qui fut l’origine de presque tous les conflits : le sol était la propriété collective des tribus, dont plusieurs prétendaient souvent avoir des droits sur le même territoire ; d’autre part des colons avaient fréquemment acheté de bonne foi des terres à des individus pour les cultiver. Aussi la lutte fut-elle plutôt, sauf peut-être de 1860 à 1870, une série de soulèvemens locaux qu’une guerre nationale. Elle fut des plus sanglantes, quoique les Maoris respectassent désormais les morts et traitassent bien les blessés. Embusqués dans les bois ou retranchés dans leurs pa entourés de palissades, et construits avec une véritable science de la fortification, mettant en œuvre toutes sortes de ruses pour tromper leurs ennemis, les indigènes soutinrent