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l’usage des métaux : les proues et les poupes de leurs grands canots de guerre, dont j’ai vu un exemplaire long de 25 mètres, étaient ainsi ciselées et incrustées de nacre, de même que les parois des maisons des chefs et des whare-puni ou maisons d’assemblée des tribus dont l’une, conservée au musée de Wellington, a 13 mètres de long sur 5 de large et 3m,50 de hauteur au centre. Ils sculptaient même le corps humain, se couvrant de tatouages compliqués, qu’il fallait se reprendre à cinq fois pour compléter ; les chefs portaient ainsi sur leur visage leur blason et leur généalogie. Aujourd’hui encore beaucoup de femmes se tatouent les lèvres et le menton. Les Maoris avaient une mythologie : outre les dieux principaux, ils croyaient à des esprits cachés dans chaque objet de la nature. Certains de leurs mythes ne manquaient pas de grâce. Ainsi le ciel était pour eux l’époux de la terre qui, séparé d’elle, verse des larmes que nous appelons pluie et auxquelles la terre répond par des soupirs qui sont les brouillards.

Les premières rencontres des Européens avec ce peuple intelligent, mais féroce, furent sanglantes : dès 1643 l’équipage d’un canot du navire de Tasman fut massacré et aucun blanc n’aborda plus en Nouvelle-Zélande jusqu’en 1769. Cook put alors échapper à la mort grâce à ses fusils et parvint plus tard à entrer en relations avec les indigènes ; ils refusaient ses cadeaux, et lui demandaient ses armes à feu ; se procurer des fusils devint dès lors l’idée fixe des Maoris ; ils en obtinrent quelques-uns des baleiniers qui commençaient à fréquenter ces mers. Un chef, Hongi, après avoir visité Sydney, se fit conduire en 1820 en Angleterre, et en revint avec des présens de George IV qu’il échangea en Australie contre des armes à feu. Les guerres entre tribus, relativement peu meurtrières avec les anciennes armes de pierre, devinrent dès lors d’épouvantables massacres : en un seul jour, Hongi tua sept cents de ses ennemis, dans une île du lac Rotoroua ; son rival, Te Rauparaha, qui s’était procuré lui aussi des fusils en envoyant un de ses cousins faire le voyage d’Angleterre, extermina presque entièrement les Maoris de l’île du Sud. Dans cette période, d’assez nombreux aventuriers blancs s’étaient mis à vivre parmi les tribus, adoptant les mœurs des indigènes et désignés à cause de cela sous le nom de Pakehas-Maoris ou Maoris-étrangers ; ils étaient bien reçus, parce qu’ils savaient entretenir et réparer les armes et jouaient un rôle important dans les guerres.

Jusqu’en 1840, il ne vint pas se joindre à ces aventuriers d’autres blancs que des missionnaires dont les premiers étaient