Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long que les dix autres articles réunis[1], s’efforce, dans un style bizarre et tout imprégné des souvenirs du droit romain, de prévoir et de résoudre toutes les objections qui pourraient être opposées à la validité des renonciations. Une des principales était la minorité de la princesse qui, n’étant pas encore pubère, ne pouvait valablement s’obliger. Aussi ne paraissait-il pas suffisant aux jurisconsultes de la couronne qu’elle fût « habilitée par le duc de Savoie son seigneur et père » et qu’il la dispensât de son bas âge pour prêter le serment nécessaire. Ils alléguaient encore, pour donner plus de force aux renonciations auxquelles elle allait consentir, « la grande connoissance et le jugement au-dessus de son âge dont elle était douée, d’autant, ajoutait l’article projeté, que ladite dame princesse reconnoit fort bien, ainsi qu’elle l’a déclaré et déclare, combien avantageux sera à elle et à ses descendans l’effectuation du dit mariage, qui lui donne une juste espérance de parvenir au rang de Reine, et à ses descendans de succéder à la couronne de France ; réfléchissant encore que c’est principalement pour affermir la paix si désirée et si nécessaire, et son inclination généreuse la portant aussi à vouloir conserver l’éclat de la maison de Savoie dans la personne des princes ses frères qu’il plaira à Dieu de lui donner, où des autres princes ses frères mâles (sic), quoique plus éloignés et en ligne collatérale, et à leurs descendans mâles à l’infini, pour le repos et la tranquillité des peuples de la dite maison de Savoie. »

Tessé ne s’était point mêlé de la rédaction du contrat dont il envoyoit le projet à Louis XIV. « Votre Majesté, écrivait-il au roi[2], trouvera ci-joint le projet du contrat du mariage de Monseigneur le duc de Bourgogne. Il y a dedans une infinité de mots singuliers et d’expressions de pratiques particulières au pays, et c’eust été la mer à boire que d’essayer de réduire ces gens cy à nos manières. » Cependant à une phrase où le duc de Savoie s’engageait à ne jamais admettre « que la dite dame princesse sa fille aînée et autres princesses ses filles et leurs descendans puissent, en aucun autre temps ni en aucun cas, avoir aucun droit de succéder aux susdits États de la maison de Savoie » Tessé avait fait ajouter ces mots : au préjudice des masles, afin, écrivait-il à Louis XIV, ce qu’à tous hasards et en cas de mort de tous les princes masles de la maison de Savoie, notre princesse ne pût

  1. L’original du contrat se trouve aux Archives d’état de Turin. Matrimonii della Real Casa. Il y en a une copie aux Archives des Affaires étrangères : Corresp. Turin, vol. 95. Le texte complet en a été imprimé à la suite des Mémoires du marquis de Sourches, t. V, p. 459.
  2. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 97. Tessé au Roi, 3 sept. 1696.