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vint au monde le 6 décembre 1685. Dans cette circonstance, Victor-Amédée se piqua de se bien montrer. « M. le duc de Savoye, mandait d’Arcy au Roi[1], fait tous ses devoirs de bon mari et de bon père, ayant fait porter un petit lit de camp dans la chambre de sa femme pour y coucher, et ne cessant point de monter à la chambre de la princesse. » Les choses faillirent cependant mal tourner. « Monsieur a eu des nouvelles de Savoie, rapporte Dangeau dans son journal à la date du 6 janvier 1686. Madame Royale (la duchesse Anne) a reçu le Viatique, mais on la croit hors de danger. » Et après avoir donné une explication assez crue de l’accident, il ajoute : « Elle en a pensé mourir. » D’Arcy, de son côté, adressait au Roi les mêmes nouvelles, et c’était pour lui l’occasion de faire l’éloge de la jeune duchesse : « Jamais consternation et affliction ne peuvent estre plus grandes qu’elles ne l’ont esté pendant ces deux jours à la Cour, à la ville, et chez chacun… Aussy ne pourroit-on exprimer la perte que l’on feroit si cette princesse venoit à manquer, estant universellement respectée et aimée pour sa sagesse, sa douceur, sa complaisance et pour cent autres vertus que je n’ay pas assez de talens pour exprimer[2]. » Dans une autre dépêche, d’Arcy rendait compte des incidens pénibles qu’avait fait naître, entre Victor-Amédée et sa mère, le baptême de la petite princesse. « Elle (Madame Royale) est sensiblement touchée des durs traitemens du prince son fils… mais principalement de ce que, depuis trois semaines qu’elle n’a pas party d’auprès de Mme la Duchesse son épouse, il ne luy en a pas fait la moindre honnêteté, ny dit le moindre mot de douceur, et son incivilité a été si loin à l’égard de Madame Royale qu’ayant envoyé prier le prince de Carignan par le marquis Mourroux de vouloir tenir sur les fonts de baptême la princesse sa fille, il s’est contenté, lorsque Madame sa mère estoit dans la chambre de la duchesse de Savoye, de luy demander si elle vouloit donner les noms à sa fille, que luy ayant répondu qu’ouy et demandé en même temps quels noms il souhaitoit qu’on donnast à cette princesse nouvellement née, il repartit, sans autre cérémonie ny compliment, Marie-Adélaïde, dont elle a été nommée[3]. »

Le baptême de la princesse Adélaïde ne donna point lieu à de grandes réjouissances, car on regrettait fort à la cour de Turin qu’elle fût une fille. « Je crois, ma chère grand’mère, écrivait-elle un jour à Madame Royale, que je ne vous donnay guières de joye, il y a treize ans, et que vous auriés voulu un garçon ; mais

  1. D’Arcy au Roi, 8 déc. 1685, citée par G. de Leris, p. 29.
  2. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 81, D’Arcy au Roi, 1er janvier 1686.
  3. Ibid. D’Arcy au Roi, 29 décembre 1685.