dédaigner ; ils servent à faire revivre un passé dont les minuties et parfois même les puérilités ne parviennent pas à altérer la grandeur. Mais à tous ces documens officiels, combien nous eussions préféré quelques renseignemens sur son enfance, et sur la vie qu’elle menait pendant la durée de ces négociations avec Versailles et avec Vienne où sa destinée était en jeu. Ces renseignemens ont fait défaut à nos recherches. Les Archives de Turin ne contiennent aucune pièce qui ait trait à l’éducation de la petite princesse de Savoie. Aucuns Mémoires du temps n’y font allusion[1]. Faut-il renoncer cependant à parler de ces années, et un peu d’imagination aidant, ne pourrons-nous point parvenir à nous représenter sa vie de famille, dans ce cadre de la petite cour de Turin, entre un père dont nous n’avons jusqu’à présent retracé que le rôle politique, et une mère que nous n’avons point encore fait entrer en scène ? La race et le milieu, la nature et l’éducation sont les fils mystérieux dont l’entre-croisement tisse cette trame de l’être sur laquelle la vie et l’expérience viennent ensuite broder leurs dessins. Essayons de démêler quelques-uns de ces fils dans la vie de notre princesse, et recherchons ce qu’elle put devoir au sang qui coulait dans ses veines, aux enseignemens qu’elle reçut, aux spectacles dont sa première jeunesse fut témoin.
Marie-Adélaïde était issue du mariage contracté en 1684 entre Victor-Amédée et Anne d’Orléans, fille de Monsieur, frère de Louis XIV, et d’Henriette d’Angleterre, la célèbre Madame dont Bossuet a immortalisé la mémoire. Son grand-père et sa grand’mère maternels sont trop connus pour qu’il y -ait lieu d’en parler, sinon pour faire remarquer que, par un assez fréquent phénomène, certaines grâces de l’aïeule semblent être devenues l’héritage de la petite-fille. Sa mère, la duchesse Anne de Savoie, est au contraire demeurée dans l’ombre. Epouse admirable, mère parfaite, sa vie toute de vertus et de dévouemens reposerait, si elle était mieux connue, de ces scandales publics
- ↑ Il a paru, en 1861, à Paris, un petit volume intitulé : Souvenirs d’une demoiselle d’honneur de la duchesse de Bourgogne. Les premières scènes de ces souvenirs se passent à Chambéry, avant le mariage. De doctes auteurs, français ou italiens, n’ont pas laissé de faire parfois mention de ces Souvenirs, non sans soulever cependant quelques doutes sur leur authenticité. Ces doutes étaient fondés, car nous avons les meilleures raisons de savoir que ce sont des souvenirs apocryphes. Nous pouvons même ajouter que l’auteur de ce petit pastiche historique et littéraire s’étonnait que, contre son attente, de fins juges s’y fussent trompés, et qu’elle s’en amusait modestement.