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l’auteur d’Hellé n’en est pas moins un excellent musicien. C’est ce qu’il fallait, non pas démontrer, mais en tout cas retenir.


« Et maintenant, messieurs, comme disait Mélingue au beau temps du mélodrame, chez la duchesse du Maine ! » Sous les charmilles de Sceaux, vous verrez se nouer la double intrigue, amoureuse et politique, que le très fin musicien de la Basoche et de Madame Chrysanthème eut peut-être le tort de choisir pour sujet de comédie lyrique. 1

La conspiration de Cellamare, avec participation du chevalier d’Harmental, constitue le côté historique de ce livret ; l’élément sentimental en est fourni par les amours du chevalier et de Bathilde, une orpheline, la fille adoptive du brave gazetier Buvat. La découverte du complot, l’arrestation du chevalier et sa condamnation à mort forment la péripétie, r et quel dénouement était [possible, sinon l’héroïne en pleurs aux pieds du Régent, la clémence de Philippe et l’hymen des deux amans ?

Il n’y avait pas grand’chose là pour la musique, ou plutôt il y avait pour elle trop de choses. Et pourtant, il y a là plus de musique, — je veux dire en plus grande quantité, — que dans l’une ou l’autre des deux précédentes partitions de M. Messager. Il y en a même trop pour une pièce de cette nature, toute d’action et de mouvement.

C’est en vieux style qu’il eût fallu traiter ce vieux sujet, dans le style de l’ancien opéra-comique, mêlé de dialogue et de chant. On a beau se moquer du « parler » d’autrefois ; il avait du bon. Il abrégeait, il allégeait, il « déblayait ». Il débarrassait la musique de ce qui l’encombre et la retarde ; il eût raccourci d’une bonne heure le Chevalier d’Harmental. On veut à présent que tout soit musique, que rien ne se dise, ne se fasse qu’en musique. En musique les préparations, les explications, les conversations ; l’action non moins que le sentiment, les faits autant que les âmes. Il faut que tout soit chanté, et accompagné plus encore. Pour une mince et superficielle comédie, pour un Chevalier d’Harmental, cinq actes, une partition de trois cents pages, un orchestre qu’on prendrait à certains momens pour celui des Maîtres Chanteurs. Sous le moindre récit ou le dialogue le plus insipide, les recherches de l’harmonie et de l’instrumentation la plus raffinée. Tout cela soigné d’ailleurs, ingénieux, habile ; mais trop de travail peut-être, trop d’intentions et de prétentions ; pas assez de désinvolture et d’aisance cavalière. L’autre soir, on en était presque à regretter « le père Auber ». Celui-là du moins se moquait, et n’était point dupe, fût-ce de lui-même.

Mais sans remonter, — d’aucuns diraient sans descendre, — jusqu’à Auber, il est un autre maître, il est un autre opéra-comique dont nous nous sommes souvenu. C’est Hérold, et c’est son chef-d’œuvre,