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de leitmotive et partagés en morceaux définis. Ils oubliaient que ni dans les opéras de Gluck ni dans ceux de Mozart, ni dans Fidelio, ni dans le Freischütz, ni dans Guillaume Tell ou les Huguenots, on ne trouverait trace, — une trace profonde, — de ce que depuis Wagner seulement nous entendons par la symphonie dramatique et le développement. Ils oubliaient enfin que la beauté — et la médiocrité pareillement — peut être égale à elle-même par des moyens, sous des formes diverses et presque contradictoires.

Qu’on cesse donc de s’en prendre à la forme choisie par l’auteur d’Hellé. Le mal, ou le malheur, n’est pas que le musicien adopte tel ou tel cadre, mais qu’il n’ait pas de quoi le remplir. Libre à lui découper, — à l’ancienne mode, — sa partition en morceaux nettement distincts, pourvu que de ces morceaux chacun ait une valeur individuelle, et, à la rigueur, indépendante. S’il lui plaît d’écrire des chœurs, — fussent-ils de prêtresses ou même de soldats, — que ce soit d’une main plus légère ou plus vigoureuse ; qu’il y ait moins de vulgarité dans les rythmes, plus d’intérêt dans les thèmes, dans les combinaisons vocales plus d’abondance et de variété. Ce peut être, même en notre siècle de symphonie, une admirable chose que la déclamation à peine accompagnée ; encore faut-il que la ligne en soit pure, et chaque note riche de pensée et de signification. Il n’est pas jusqu’au ballet dont le drame lyrique ne soit capable de s’accommoder ; mais à la condition que le ballet serve l’action, qu’il y coopère et que par la plastique et la danse s’achève la signification de la musique, et sa beauté.

Ainsi les défauts et les faiblesses d’Hellé ne sont pas dans le genre ou le type de l’œuvre. Il les faut chercher plus au fond et jusque dans les élémens constitutifs de la musique. Je ne reprocherai pas à M. Duvernoy, — je l’en féliciterais plutôt, — d’avoir voulu conserver entre les voix et l’orchestre certaines proportions qu’on altère systématiquement aujourd’hui. Mais je regrette que de l’orchestre, de son orchestre, la composition ne soit pas plus équilibrée, que les timbres, mieux assortis et fondus, n’y soient pas employés avec plus de discernement ; qu’un hautbois, — fût-ce celui d’un virtuose tel que M. Gillet, — y joue un rôle exorbitant et aussi contraire que possible à la nature et à la vocation plus discrète de l’instrument. De l’harmonie comme de l’orchestration, la trame a semblé souvent inégale. On y sent tour à tour des aspérités et des trous. En certain cantabile du premier acte (Gauthier de Brienne à Hellé) la magnifique voix de M. Delmas se heurte, — sans broncher du reste — à d’inutiles rudesses. Telle ritournelle du troisième acte, accompagnant l’entrée du ténor, est d’une écriture lâche et qui laisse trop de vide entre les deux parties extrêmes. Enfin, et pour en venir à l’élément premier, au corps simple de la musique : la mélodie, celle-ci, paraît dans Hellé plus abondante qu’originale. Le rappel des motifs, —