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faisant songer à ces vêtemens de confection qui vont à peu près à tout le monde et ne vont bien à personne, étriquant les gras, ballant sur les maigres.

J’espère n’avoir ni exagéré, ni surtout diminué la valeur des romans de M. Zola. C’est une valeur exclusivement commerciale. À ce titre elle est considérable. Ce point de vue explique tout. On se rend compte que l’œuvre de M. Zola est venue à son heure et qu’elle était dans le courant du siècle : car, plus encore que celui des progrès scientifiques, ce siècle est celui des applications à l’industrie. Nous ne sommes plus au moyen âge où l’artisan achevait patiemment le chef-d’œuvre unique ; nous sommes dans le XIXe siècle, un siècle où les machines ont rendu la main-d’œuvre inutile, où les usines ont inondé le marché de leurs produits défiant la concurrence. On comprend l’abondance des productions de l’auteur et le succès auprès du public. Et on n’est plus tenté d’être difficile sur la qualité : à vrai dire, la question d’art ne se pose pas et la littérature n’est pour rien dans l’affaire. Un livre de M. Zola est à la littérature ce qu’est la chromolithographie à la peinture, la maçonnerie à l’architecture, une statue de la rue Saint-Sulpice au marbre d’un sculpteur, un bronze de commerce à une œuvre d’art. C’est du roman au mètre, du feuilleton à la toise. L’introduction du naturalisme dans le roman, ç’a été la déroute de l’art mis en fuite par la fabrication industrielle.


RENE DOUMIC.