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chimiques, naturelles ? Une ou deux fois au cours du roman il avait été question de cet ouvrage modeste, et nous n’y avions pas fait beaucoup d’attention. Mais le voici reparaître aux dernières pages et, cette fois, dans une lueur d’apothéose et dans une gloire. Car il est « le seul redoutable, l’ennemi toujours triomphant qui renversera sûrement l’Église ! » Les bacheliers seront un peu étonnés, et sûrement flattés, d’apprendre qu’ils sont de si importans personnages. Mais tel est donc le Credo de M. Zola ! Ce chercheur passionné pour la question de l’hérédité, cet âpre théoricien de l’expérimentation prend pour de la science, la science du Manuel ! Pourquoi se plaît-il à nous enlever lui-même une illusion où nous aimions à nous entretenir ? Si nous discutions chez lui les mérites de l’écrivain, nous nous inclinions devant le savant. Et lui-même il nous force à nous apercevoir que sa science est pareille à sa littérature : c’est de la science pour tous.

Il me resterait à parler de la façon dont M. Zola compose ses livres, et ici je ne pourrais m’associer aux éloges qu’on lui adresse volontiers, On loue l’ordonnance régulière et la symétrie de ses développemens. Je vois bien en effet que cela n’est pas laissé au hasard et que l’auteur a ses procédés ; je les distingue d’autant mieux qu’ils sont en petit nombre et reviennent avec une lassante, monotonie. Le premier consiste dans l’amoncellement des détails ; un autre est la juxtaposition d’élémens disparates. Car jamais on ne découvrira quel rapport il peut y avoir entre la description du Colisée, le procès en annulation de mariage pour impuissance du mari, et la politique de Léon XIII. C’est l’entassement au lieu du choix et l’incohérence au lieu de l’harmonie. Les anciens comparaient l’œuvre d’art à un être vivant auquel on ne peut enlever un membre sans le mutiler. On pourrait dans les livres de M. Zola supprimer telles parties et l’œuvre serait allégée d’autant ; on pourrait en déplacer d’autres qui sont mal raccordées, laissant des trous entre les joints. Dans un livre tel que Rome, l’art fait totalement défaut ; et c’est bien pourquoi la lecture en est si pénible : les matériaux semblent à peine dégrossis, les figures ne sont pas à leur plan, les êtres ne s’animent pas, gisent dans l’attente du souffle qui aurait dû les soulever et qui n’est pas venu. L’art est absent ; c’est pourquoi il manque la vie. — Pour ce qui est du style, si je n’en dis rien, c’est qu’il n’y a rien à en dire. Il est, en dépit de ce qu’on pourrait croire, d’une rare indigence. Certaines tournures reviennent à satiété. « Ah ! cette toute-puissance d’Auguste… Ah ! cette voie Appienne, cette antique reine des routes !… Ah ! ces catacombes des premiers chrétiens… Ah ! ces marbres polychromes… Ah ! ce Jehova… Ah ! ce musée… » Certaines épithètes : gros, total… sont employées à tout propos. Parfois telle est l’impropriété des termes qu’on hésite sur le sens de la pensée pourtant rudimentaire de l’auteur. C’est moins un style qu’un à-peu-près de style,