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conflit était inévitable avec le semi-gallicanisme et la réserve timide des catholiques de naissance.

Pie IX le hâta en rétablissant la hiérarchie ecclésiastique et en substituant aux vicariats apostoliques un archevêché et quatorze évêchés. En proclamant l’Angleterre mure pour le retour à l’organisme normal de la vie ecclésiastique, la bulle Vineam domini répudiait du même coup le chimérique espoir de voir l’Eglise anglicane en corps, son clergé et ses prélats à sa tête, se soumettre au vicaire de Jésus-Christ. Cet acte provoqua une explosion de fanatisme protestant auquel lord John Russell crut devoir s’associer en faisant voter ab irato une loi, tacitement abrogée avant même d’avoir été appliquée, pour interdire aux évêques catholiques l’usage de titres territoriaux. Au sein de l’Eglise elle-même, le mouvement offensif de propagande et de conquête en reçut une vive impulsion. En la personne de Wiseman, créé cardinal et nommé archevêque, le Saint-Siège avait un lieutenant dévoué. Par malheur l’épiscopat comptait trop de membres remplis de l’ancien esprit pour qu’une parfaite unité pût régner dans le commandement.

Les dix années qui s’écoulèrent entre le retour de Manning à Londres et son avènement, au trône archiépiscopal furent toutes remplies de tristes luttes entre les deux principes contraires, encore compliquées de déplorables questions de personnes. L’étude minutieuse de ces querelles présenterait sans doute un grand intérêt pour l’historien de l’Eglise. Pour ce qui touche Manning, il suffit de noter qu’il y fut forcément mêlé par la nature de ses opinions, par son tempérament, et par la confiance de son archevêque. Nommé en 1857 prévôt du chapitre de Westminster, il eut à combattre l’opposition presque factieuse d’une majorité des chanoines. Chargé de représenter Wiseman à Homo dans la longue affaire de la destitution du coadjuteur cum spe successionis, que l’archevêque s’était laissé donner en un jour de faiblesse, et avec qui n’avait pas tardé à éclater une incompatibilité d’humeur radicale, Manning dut résider fréquemment dans la capitale de la chrétienté. Il y fut bientôt sur le pied d’un personnage important. L’affection de Pie IX pour lui ne se démentit pas.

Il avait dans la personne d’un camérier du pape, d’un converti anglais, Mgr Talbot, un correspondant et un agent infatigable qu’une communauté de sentimens et de situation avait rapproché de lui et qui le servait avec un zèle sans égal. On a fait un crime à Manning de cette correspondance dans laquelle il tenait le pape au courant de tous les faits de la vie ecclésiastique et religieuse de l’Angleterre. Peut-être y a-t-il lieu de regretter