Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris position, autant le second, par besoin de certitude, par nécessité pratique, sera fidèle à ses prémisses et marchera droit à leurs conclusions logiques. Son protestantisme sera, en son temps, aussi robuste que, plus tard, son catholicisme, et tous deux dans leur succession seront également sincères.

C’était bien par conviction, et non par politique, qu’à cette époque Manning était infiniment plus anti-romain que la plupart de ses alliés. Il écrivait à Pusey pour le remercier d’un écrit, mais « surtout des passages qui y sont le plus contraires à Rome. » Il ajoutait que « sa conscience était bourrelée à la pensée de ce détournement d’affection, de ce transport sacrilège du cœur des hommes, de l’unique objet du culte à la Vierge Marie. » A ses yeux, une lettre récemment parue du docteur Wiseman « suffisait à condamner tout le système catholique », son parallèle « entre les sentimens d’un enfant pour sa mère et ceux des fidèles pour la Vierge » lui semblait « épouvantable ». Il différait radicalement dans son ton et son langage à l’égard du catholicisme, non seulement des chevau-légers du parti, mais des docteurs graves, de ceux qui, comme Pusey, devaient rester anglicans jusqu’au bout.

En 1844, pour dégager sa responsabilité de la casuistique, suivant lui, relâchée, du Tract n° 90, il accepta de prêcher devant l’Université, le 5 novembre, — c’est-à-dire le jour anniversaire de la Conspiration des Poudres et du débarquement de Guillaume d’Orange en 1688, — un sermon en l’honneur de ce double jubilé protestant. On a voulu voir dans cet acte une lâche défection. Il n’était que la loyale application de ses principes. Si Manning n’avait pu se dire et se sentir protestant et s’associer aux célébrations protestantes de son église, il ne serait pas resté un seul jour dans une communion, en droit et en fait, protestante. Quelques-uns de ses amis lui en voulurent fort de cette manifestation. Newman, à qui il alla le lendemain rendre visite à Littlemore, lui aurait fait jeter la porte au nez, s’il en faut croire une légende assez suspecte, puisque leur correspondance ne fut jamais interrompue et que le recteur de Lavington fut du petit nombre de ceux auxquels le néophyte du Père Dominique communiqua sa résolution finale.

On le tenait si bien, d’ailleurs, pour l’un des champions de l’anglo-catholicisme que les adversaires ne faisaient nulle différence entre lui et les catholicisans à outrance. Comme on annonçait à l’évêque de Londres, Blomfield, le voyage de Manning à Rome : « A Rome ? fit le prélat ; je l’y croyais déjà depuis la publication de son sermon. » Ces soupçons, les tracasseries du parti