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purement lyriques : Sansara (1878), Homo sum (1890) et Sehn-sucht (1893). Sansara est une œuvre de jeunesse où domine encore, sous l’influence classique, l’amour de l’antiquité, mais où déjà se font jour des aspirations toutes modernes. Homo sum est le recueil où M. Hart a publié on préface son manifeste sur la Poésie lyrique de l’avenir, dont je viens de faire quelques citations. C’était là tout à fait le lieu d’appliquer sans merci les règles posées au début du livre ; mais, fort heureusement pour M. Hart, il a été le premier, je le répète, à beaucoup oublier de ses principes dès qu’il s’est agi de les mettre en pratique.

J’ai trouvé dans Homo sum des poèmes « sociaux », où, si l’auteur avait été conséquent avec lui-même, j’aurais dû découvrir les renseignemens les plus complets et entrevoir la vérité définitive sur les questions sociales qui agitent notre époque. En réalité, je n’y ai lu que l’expression des sentimens personnels de pitié et de colère qu’a éprouvés M. Hart en présence de la société moderne. Je me suis alors souvenu de très anciens poètes qui ne prétendaient pas à faire de la poésie « réaliste », de la poésie « objective », et qui cependant surent tout aussi bien exprimer des sentimens de colère contre toute tyrannie et de pitié devant la pauvre misère humaine. Et même ces très anciens poètes dont je parle savaient que la misère matérielle, — qui excite d’ailleurs à si bon droit la compassion de M. Hart, — n’est pas le seul point par où nous puissions souffrir ; et peut-être s’ils l’ont moins « chantée » qu’ils n’ont fait pour nos autres motifs de souffrance, c’est qu’ils comprenaient mieux la vanité de toute parole en présence de la douleur purement physique, où « la poésie toute d’action » reste forcément impuissante, pendant qu’au contraire l’action, c’est-à-dire dans ce cas la plus simple charité, a quelquefois chance d’apporter du soulagement à ceux qui soutirent sans qu’il soit besoin de faire intervenir l’art de la poésie.

Dans Homo sum, j’ai aussi trouvé des poèmes d’amour et des descriptions de la nature, qui ne m’ont permis de me représenter un peu nettement ni les paysages dont me parlait M. Hart, ni l’objet de son amour, mais qui m’ont en revanche intéressé assez vivement aux émotions personnelles que ressentit le poète en leur présence, — et c’est le meilleur éloge que j’en puisse faire. Le dernier livre de M. Julius Hart a pour titre Sehnsucht (c’est là, comme l’on sait, un des mots les plus intraduisibles de la langue allemande ; il signifie à la fois : ardent désir et aspiration maladive). Cette œuvre est une sorte de nouvelle écrite en prose poétique sur le ton lyrique, et où M. Julius Hart redevient, comme un simple romantique, le poète du « moi », uniquement préoccupé