élire ; il étendait son action non seulement sur la multitude gagnée par lui a la révolte, mais sur les sectaires vieillis dans les conspirations, et l’on pouvait prévoir le jour où les anciens chefs, les hommes de silence et d’ombre seraient tous vaincus et absorbés par cette renommée de lumière et de bruit. On en eut la preuve à l’enterrement de Victor Noir, où les révolutionnaires de toute école attendaient le geste et la parole de Rochefort. Mais avant qu’il eût saisi cette puissance et montré si le pamphlétaire était un chef de faction, il avait été arrêté, et sa captivité prolongée depuis laissait le parti révolutionnaire aux anciennes influences et à l’ancien endettement.
Aussi, le 4 septembre, les entraîneurs de la foule ne formaient pas une armée unique, mais des bandes distinctes et conduites par des chefs indépendans et rivaux. Par suite aucun plan d’ensemble n’avait distribué l’emploi de cette force sur les divers points de Paris où il fallait poursuivre une action simultanée pour surprendre le succès. Chaque chef de groupe avait montré à tous ses soldats le Palais-Bourbon, où il prévoyait la lutte la plus immédiate, la plus importante et la plus rude. Après l’invasion de la Chambre, aucun d’eux ne pouvait ressaisir et diriger aussitôt sur un nouveau champ de bataille ses bandes mêlées et perdues dans la foule. D’ailleurs autre chose était de précipiter cette foule complice à l’assaut d’un régime impopulaire, autre chose d’établir un gouvernement sans les députés de Paris et contre le vœu de la capitale. Celle-ci témoignait depuis un mois ses sentimens par son enthousiasme pour Trochu et pour Thiers. Et le 4 septembre n’était pas un de ces jours où les modérés se laissent compter pour rien. Les conspirateurs de profession, fussent-ils tous réunis, étaient cinq mille, avec des revolvers et des poignards, et même, secondés par la lie de la populace, ne pouvaient mettre en ligne plus de 35 000 émeutiers. En face d’eux la garde nationale et ses 60 000 fusils : la seule qui fût organisée était celle de l’Empire, et découragée de l’Empire, elle restait toujours dévouée à l’ordre. L’armée qui, entre l’empire et la garde nationale, était demeurée inerte, ne demeurerait pas inerte entre la garde nationale et la démagogie. En empêchant la transmission régulière du pouvoir, les violens venaient d’écarter les solutions et les hommes neutres que le Corps législatif eût choisis, d’ouvrir la voie à la République et aux rapides métamorphoses qui, à peine les républicains sages parviennent-ils au pouvoir, semblent le promettre aux démagogues. Ces derniers, à le vouloir de suite, engageaient un conflit sans espoir raisonnable, et la victoire remportée sur eux pouvait commencer une réaction qui,