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en chaire des choses honnêtes. Le clergyman, décrit non sans quelque exagération par Macaulay, l’humble parasite des manoirs ruraux, l’époux désigné de l’ex-femme de chambre de Milady ou, pis que cela, de la maîtresse déposée de Mylord, le parson de Fielding, pique-assiette famélique, bohème lettré ou pauvre curé de village à la portion congrue, même les recteurs et les vicaires, si admirablement peints dans leurs romans par Jane Austen ou plus tard par George Eliot, ces joyeux et robustes gentilshommes campagnards, toujours les premiers au rendez-vous de chasse, plus initiés aux mystères du sport ou du turf qu’à ceux de la théologie, tout ce clergé d’ancien régime commença, faune antédiluvienne, à disparaître sous l’influence de l’évangélisme.

Là ne s’arrêta pas la réaction. Les laïques en furent plus encore atteints. Un magnifique élan fut imprimé aux grandes entreprises de la charité et de la philanthropie. Ce sera l’éternel honneur de cette doctrine qui semblait, par sa conception erronée du salut par la foi, devoir paralyser toute activité religieuse d’avoir fait lever toute une moisson d’œuvres chrétiennes : missions chez les païens, lavant enfin le protestantisme du reproche de n’obéir guère aux commandemens du Christ ; comités d’assistance, d’instruction populaire, de réforme pénitentiaire, — surtout cet admirable mouvement contre la traite et l’esclavage auquel Wilberforce a attaché son nom.

Tel est le bilan de l’évangélisme. Il a laissé des traces indélébiles, non seulement dans l’histoire, mais dans la constitution morale et intellectuelle du peuple anglais. Vers la fin du premier quart de ce siècle, il était au zénith de la puissance et du succès. L’âge héroïque était passé. Ce grand courant d’enthousiasme était en train de se canaliser, de s’officialiser et de se figer. A son tour, l’évangélisme victorieux, caressé et professé par ceux qui le persécutaient naguère, courait le risque de devenir un pharisaïsme. Il retombait dans le formalisme, mais dans un formalisme cent fois pire, parce que l’affectation de certains sentimens en faisait une hypocrisie et parce qu’il lui manquait, comme compensation, les amples traditions, les larges perspectives, l’intrinsèque solidité des sacremens du système anglo-catholique.

C’était précisément l’époque où les progrès du libéralisme semblaient remettre on péril, sinon l’Eglise, du moins rétablissement ecclésiastique. Dans l’ordre de la pensée et de la science, après la philosophie du XVIIIe siècle et son rationalisme vulgaire, on assistait déjà aux premiers essais de la haute critique, — de cette critique allemande avec laquelle Pusey alla prendre contact dans ce pèlerinage universitaire d’où il rapporta un livre si curieux. Dans l’ordre de la politique, l’heure approchait du triomphe des