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pourraient les soutenir avec fruit, les sénateurs et les hauts fonctionnaires, sont précisément les premiers à enfreindre la loi. « Le vrai, le principal, l’infaillible remède au mal dont souffre la République, je le connais et je vais vous le dire franchement, écrivait au doge le provéditeur Paolo Renier. Cet unique remède est le bon exemple. C’est à ceux qui gouvernent la République de conduire les autres dans le droit chemin. » Le découragement devient si profond qu’on ne s’inquiète même plus des causes du mal, et qu’on le subit avec une résignation fataliste : en 1733, le Sénat déclare que l’État souffre d’un monstrueux accroissement de luxe, « maladie funeste à tous les Etats, mais plus particulièrement encore à une république. » Et il vient même un moment où, après s’être résignée à la maladie, Venise, dégénérée, finit par s’en féliciter. « Jamais il n’a été ni ne sera possible, dit un Rapport sur le luxe présenté au doge dans les dernières années du siècle, d’entraver les variations de la mode : la mode, en effet, est fille du génie varié de toute nation cultivée, et se lie intimement au cours général des révolutions humaines. »

C’est vers le même temps, ou à peu près, que « le cours général des révolutions humaines » amenait en Italie, chassé de France pour plus d’un quart de siècle, le comte d’Artois, dont M. G. Roberti nous conte, dans la Nuova Antologia, le long et mélancolique séjour à la cour de Turin. L’étrange destinée que celle de ce prince ! On eût dit que la nature, tout en lui accordant les dons les plus heureux, l’avait condamné à se rendre insupportable, partout et toujours, au long de sa vie. En France et dans l’exil, il agaçait, vexait, exaspérait tout le monde. Et la même joie que témoignèrent ses compatriotes, à deux reprises, en se voyant débarrassés de lui, il semble bien que son départ l’ait produite tour à tour dans chacun des lieux où il a séjourné. Jamais un homme ne fut aussi constamment, aussi universellement « mal venu ». A la cour de Turin, en particulier, dès le premier jour, il n’y eut personne qui ne fût gêné de sa présence ; et les nombreux documens extraits par M. Roberti des archives d’État de Turin sont tous remplis à son endroit de récriminations si amères, qu’on finit par se sentir plutôt entraîné à le plaindre, et à prendre son parti contre des hôtes vraiment trop désolés de leur hospitalité.

Encore n’est-ce point de bon cœur que lui fut accordée cette hospitalité. Lorsque de Bruxelles, où il s’était d’abord réfugié, il demanda à son beau-père l’autorisation de venir demeurer dans ses États, non seulement Victor-Amédée exigea qu’il obtint d’abord le consentement de Louis XVI, mais il chargea encore un de ses conseillers de « sonder