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dans notre pays, puisse beaucoup augmenter. Le pain est la base de notre nourriture ; nous consentons, plutôt que de renoncer à nos habitudes, à le payer cher quand le grain est rare, mais au contraire quand nous le voyons à vil prix, nous sommes assurés que le marché offre et au-delà tout ce qui est nécessaire à notre alimentation. Il est probable que les progrès de la culture nous permettront de nous passer de l’appoint du grain étranger que l’insuffisance de notre production nous a forcés jusqu’à présent d’importer chaque année ; nous sommes en mesure aujourd’hui de combler la différence ; mais, pour relever les cours, il faut que nous trouvions au blé un autre emploi que la fabrication du pain.

On y a songé, et depuis plusieurs années on a tenté de faire entrer le blé, concassé, aplati, moulu ou même transformé en pain, dans la ration des animaux domestiques et notamment des chevaux. Les résultats n’ont pas été décisifs, non plus que ceux qu’ont donnés des expériences tout récemment entreprises en Angleterre pour substituer le froment aux tourteaux de graines oléagineuses dans l’engraissement du bétail. Malgré le prix très bas auquel le grain est tombé dans ce pays, où il entre en franchise de droits, la substitution n’a pas donné de profit sensible.

Peut-être cependant d’autres essais récemment tentés en Allemagne pourraient-ils avoir une influence marquée sur la consommation du blé ; on a trouvé grand avantage à faire entrer le seigle dans l’alimentation des animaux domestiques ; or, si ce grain était ainsi utilisé, les populations qui jusqu’à présent ne mangent que du seigle, seraient naturellement conduites à consommer du pain de froment, et cette nouvelle couche de consommateurs suffirait peut-être à absorber les excédens qui aujourd’hui écrasent les cours.

Quelque répugnance qu’aient nos paysans, qui se rappellent encore les années de disette, à donner aux animaux un grain qui a été jusqu’à présent exclusivement réservé à la nourriture humaine, je ne serais pas étonné que le bas prix du blé les conduisît à en employer à l’élevage et à l’engraissement des animaux de basse-cour des quantités de plus en plus considérables.

Leur entretien ne convient guère aux grandes exploitations, mais il ouvre une source de larges profits aux petits cultivateurs, et il est possible qu’au lieu de porter au marché le grain qui excède leur consommation, ils trouvent avantage à l’employer à l’engraissement de la volaille.

Nous sommes très mal renseignés sur les valeurs que représentent ces animaux ; la statistique ne nous apprend rien sur le nombre des oiseaux élevés, vendus, consommés chaque année