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très ramifiées et couvertes de petits poils bien visibles au microscope qui, à cause de leurs fonctions, sont nommés poils absorbans ; en même temps du collet sont parties plusieurs tiges nouvelles, le blé a tallé.

Chacune de ces tiges portera un épi ; il y aura donc avantage à favoriser le tallage du blé ; on y réussit en roulant ou même en hersant, c’est-à-dire en faisant passer dans les champs un rouleau qui écrase les jeunes tiges ou encore une herse à dents de fer ; ce dernier travail aura pour effet d’enlever nombre de mauvaises herbes ; des tiges de blé seront froissées, coupées, mais de nouvelles, plus vigoureuses, repartiront du collet. Le proverbe dit : Si tu herses ton champ, ne regarde pas derrière toi ; et en effet, le désordre est tel, le dégât si grand qu’on est porté à s’arrêter ; il faut continuer et on s’en trouve bien. Il en est de même de l’emploi du rouleau, et on m’a raconté, à ce sujet, une anecdote bien caractéristique.

Un propriétaire va visiter un champ de blé qui se trouvait voisin d’une ville possédant une garnison de cavalerie ; en arrivant, le propriétaire voit l’ordonnance d’un officier se servant du champ de blé comme d’un manège et faisant parcourir à son cheval un cercle régulier. Notre homme de tempêter, de crier que son champ était perdu ; le soldat s’en va un peu penaud de cette violente apostrophe. A quelque temps de là, le propriétaire retourne à son champ pourvoir si le blé brisé, piétiné par le cheval s’était relevé, et il reconnaît avec étonnement que la piste est reconnaissable ; le blé y est plus fort, plus dru, plus haut que partout ailleurs, le cheval en trottant avait fait un excellent roulage.

Le printemps est venu, et pour la dernière fois nous pourrons intervenir en sarclant le blé et en distribuant le nitrate de soude. Quand la main-d’œuvre est à bon compte, on fait passer des ouvriers armés d’une rasette entre les lignes de blé, pour y détruire les mauvaises herbes ; si elle est chère, on emploie des instrumens attelés qui coupent toutes les plantes qui ont surgi entre les lignes de blé, enterrent légèrement celui-ci et exécutent un très bon travail ; dans le Nord et le Pas-de-Calais, où la culture est très soignée, le blé ne renferme ni bleuets, ni coquelicots, ni liserons ; on est arrivé à s’en débarrasser complètement.


IV. — DÉVELOPPEMENT DU BLÉ. — INFLUENCE DES FUMURES. — EXPÉRIENCES EXÉCUTÉES A ROTHAMSTED PAR SIR J. B. LAWES ET SIR. H. GILBERT

Nous avons déjà insisté plus haut sur la propriété très curieuse que possèdent les racines de blé de se charger de nitrates ;