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début printanier qui est « de style » dans la chanson courtoise ; tout y est « de style ». Elles se réduisent presque toutes à quelques formules sentimentales, diversement combinées, mais indéfiniment reprises. Chaque idée, chaque thème au moyen âge, et surtout dans la poésie lyrique, a une tendance invincible à se répéter ; et c’est ainsi, pour en donner un exemple topique, qu’un poète ayant un jour trouvé plaisant de protester contre cet abus des « printemps » et d’affirmer au début d’une de ses chansons que mai, les violettes et les rossignols n’étaient pour rien dans ses amours, cette protestation répétée, comme le remarquait tout à l’heure M. G. Paris lui-même, « par les poètes de Provence, puis de France, puis d’Allemagne, puis de Portugal », s’est transformée à son tour en un lieu commun, ressassé jusqu’au dégoût, presque aussi tyrannique et monotone que l’abus même qu’elle signalait.

Mais la théorie de M. G. Paris se fonde sur un autre argument encore, suffisant à lui seul, s’il est justifié, pour entraîner la conviction : la conception de l’amour serait partiellement la même dans la poésie courtoise et dans la poésie des maieroles. « Les chansons de danse, écrit-il, propres surtout à ces fêtes de mai que j’ai comparées à des saturnales, déclarent le mariage insupportable et le considèrent comme virtuellement aboli ; la poésie lyrique courtoise ne célèbre jamais l’amour qu’en dehors du mariage ou plutôt contre le mariage, et le livre où sont exposées les théories dont cette poésie est l’expression établit comme premier dogme que l’amour, essentiellement libre, est incompatible avec le mariage, qui est une servitude. Une conception aussi singulière ne peut être que conventionnelle ; il lui faut un point de départ qu’elle a à peu près oublié, mais qui l’explique, et ce point de départ se trouve dans le caractère des anciennes fêtes de Vénus, des anciennes Floralia, devenues nos kalendes de mai. »

Ces ressemblances ne sont peut-être pas aussi certaines qu’il