Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nos villages ? N’est-elle pas l’Esprit même de la végétation renaissante et comme la Muse de toute cette gracieuse poésie archaïque ?

En regard des reverdies, se placent, infiniment moins pures d’inspiration, les « chansons à personnages ». Il faut se contenter pour elles de ce nom très vague, qui seul convient à la variété de leurs motifs. Comme les thèmes initiaux ont vagabondé pendant tout le XIIIe siècle, on comprend qu’ils se soient modifiés de maintes façons, jusqu’à perdre parfois tout contact avec les fêtes de mai. Mais originairement ils en procèdent ; ils respirent la liberté licencieuse de ces fêtes et le motif premier est celui qu’exprime ainsi une jeune vilaine effrontée :


Soufrés, maris, et si ne vos anuit,
Demain m’avrez et mes amis anuit.
La nuis est courte : aparmain me ravrez ;
Soufrez, maris, et si ne vous mouvez !


Beaucoup de ces piécettes introduisent en effet, pareille aux chanteuses du roman de Flamenca, une jeune femme rebelle ; les pensées sont légères, et légers sont les rythmes :


Por quoi me bat mes maris,
Lassette ?
Je ne li ai rien mesfait,
Ne rien ne li ai mesdit,
Fors qu’acoler mon ami,
Seulette.
Por coi me bat mes maris,
Lassette ?
Or sai bien que je ferai
Et coment m’en vengerai :
Avec mon ami geirai
Nuette ;
Por quoi me bat mes maris,
Lassette ?
Por quoi me va chastoiant
Ne blasmant
Mes maris ?
Se plus me va corrouçant
Ne tençant
Li chetis,
Li biaus, li blons, li jolis
Si m’avra.
Li jalous
Envious
De corrous