Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MANNING

I
LES ANNÉES PROTESTANTES

A quelques mois de distance, il y a quatre ans, l’Angleterre voyait mourir deux vieillards charges de jours et d’œuvres, deux cardinaux de la sainte Eglise romaine, deux des hommes qui, dans ce siècle sans foi et dans un pays séparé depuis la réformation du centre de l’unité, ont le plus contribué à remettre le catholicisme en honneur et à lui rendre le prestige et l’autorité de l’une des plus grandes puissances spirituelles de notre temps. L’un de ces deux grands morts s’éteignait de l’épuisement de l’extrême vieillesse dans une maison conventuelle d’un faubourg de Birmingham, et le modeste cercueil de cet oratorien, — que la pourpre, tardivement venue, n’avait pas tiré de sa retraite studieuse, — recevait l’hommage de l’élite de l’Angleterre intellectuelle, fière de saluer en John Henry Newman l’un des maîtres de cette apologétique hardie, de cette psychologie subtile et de cette dialectique sans peur dont, par certains côtés, Pascal a donné le modèle impérissable et qui n’abaisse la raison sous un scepticisme apparent que pour la jeter au pied de la croix. L’autre, moins âgé, mais usé par les fatigues d’une activité dévorante et par les pratiques d’un ascétisme rigoureux, rendait le dernier soupir dans cette simple maison de Westminster où il avait voulu fixer sa résidence archiépiscopale. Il expirait presque à la même heure que le jeune duc de Clarence ; et l’on eût pu croire que chez une nation profondément loyaliste et monarchique, protestante,