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vrai que l’homme, toujours incertain et inquiet sur la valeur de ses frêles constructions, leur cherche un patron dans l’éternel modèle, dans la nature ; qu’il est encouragé et rassuré quand cette sage nature lui montre, ou paraît lui montrer, réalisées dans l’œuvre éternelle, des intentions semblables à celles qu’il s’efforce de réaliser dans son œuvre éphémère. La doctrine pastorienne annonce une de ces conformités. Elle constate la loi du nombre, elle découvre les sources de la vie et les causes de la mort dans une infinité d’êtres très faibles qui deviennent tout-puissans par leur réunion, qui triomphent des plus robustes organismes. Elle nous livre cette découverte à l’heure où nos sociétés font sur elles-mêmes un travail commandé par des constatations identiques. Qui refuserait de réfléchir sur cette simultanéité[1] ? »

Et nous à notre tour, sur le socialisme ou la sociologie de l’art wagnérien, sur cette période, la dernière jusqu’ici, d’une évolution que nous avons essayé de suivre, nous ne voulons pas d’autre conclusion que ces grandes paroles. Comme la doctrine de Pasteur, et en même temps, la doctrine de Wagner annonce une de ces conformités que signalait notre éminent collaborateur. Elle aussi découvre dans le nombre, dans les infiniment petits, les sources de la vie, de la vie esthétique — en attendant qu’une autre doctrine y découvre les causes de la mort. Elle aussi nous livre sa découverte à l’heure où s’accomplissent dans nos sociétés des changemens commandés par des constatations identiques. De cette simultanéité nouvelle encore plus que de l’autre il serait absurde d’abuser, mais personne assurément, et nous n’en demandons pas davantage, ne refusera d’y réfléchir.


IV

Après avoir étudié la nature et résumé l’histoire de la musique au point de vue sociologique, il convient, et nous finirons par-là, d’en considérer, à ce point de vue encore, l’influence et le rôle, les devoirs en quelque sorte et les bienfaits.

« Tous les désordres, toutes les guerres qu’on voit dans le monde n’arrivent que pour n’apprendre pas la musique… La guerre ne vient-elle pas d’un manque d’union entre les hommes ? Et si tous les hommes apprenaient la musique, ne serait-ce pas là le moyen de s’accorder ensemble et de voir dans le monde la paix universelle ? » Ainsi parlait à M. Jourdain son maître de

  1. Voyez, dans la Revue du 15 octobre 1895 : le Legs philosophique de Pasteur, par M. le vicomte E. -M. de Vogué.