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pas faire se résout en dommages et intérêts. » Quels moyens y a-t-il donc de maintenir la discipline dans un personnel si nombreux ? La révocation : on ne l’applique guère qu’en cas d’infidélité ou d’abandon de poste ; la retenue pécuniaire : elle a été supprimée il y a longtemps déjà pour les agens des postes et des télégraphes, et c’est peut-être regrettable. Il est vrai que l’on y supplée par le retard d’avancement qui est souvent une peine plus sévère. Il n’y a plus en réalité que les peines morales, la réprimande prononcée avec plus ou moins de solennité, par une autorité plus ou moins élevée. C’est peu, dira-t-on. J’estime que c’est assez lorsque le chef sait appliquer la réprimande avec tact et mesure. Un ancien directeur général des postes écrivait aux directeurs des départemens : « Votre intérêt est engagé à tenir personnellement en mains le personnel sous vos ordres, et vous n’obtiendrez ce résultat que par une attitude à la fois digne et bienveillante, et par un emploi judicieux et discret des moyens de coercition dont vous disposez… C’est en cherchant dans les faits incriminés ou dans la position personnelle de l’agent une idée capable de toucher son intérêt ou sa raison que vous réserverez à la fois à la réprimande toute sa valeur et à votre autorité morale tout son prestige. »

Ce langage n’a pas cessé d’être vrai. Au milieu de cette foule de préposés et d’agens de tous grades, il peut y avoir quelques réfractaires ; mais la masse est honnête au fond et ne désire que gagner paisiblement son pain quotidien. Lorsque surviennent des actes d’indiscipline un peu graves, on peut admettre que le chef en est plus ou moins responsable. L’art de conduire les hommes n’est pas des plus simples ; peut-être quelques-uns sont-ils incapables de se l’approprier. C’est par-là cependant que nos administrations publiques peuvent vivre et prospérer. Il y a quelque chose dans ce monde de supérieur à la science de l’ingénieur, à l’éloquence de l’avocat, c’est cet art de l’administrateur qui sait choisir et entraîner ses collaborateurs, petits ou grands, vers l’accomplissement du devoir, sans hésitation et sans défaillance, par les voies du travail, de la confiance et de l’honnêteté.


H. BLERZY.