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(lignes de l’Algérie, de la Nouvelle-Calédonie, de Madagascar), qu’elles étaient en état de lutter avec avantage contre leurs concurrens s’étrangers.

De même qu’ils se réservaient avec un soin jaloux le monopole de leur télégraphie intérieure, les gouvernemens ont aussi voulu, sauf de rares exceptions, rester propriétaires et exploitans des câbles qui les relient à leurs provinces d’outre-mer sans intermédiaire. Ainsi les câbles d’Irlande appartiennent à l’Angleterre, ceux d’Algérie à la France, ceux des présides de la côte d’Afrique à l’Espagne. Même ceux qui rattachent l’Angleterre à la France sont une propriété commune aux deux gouvernemens, de même que ceux qui relient l’Angleterre à la Belgique, à la Hollande et à l’Allemagne.

Mais lorsque les lignes sous-marines prennent des points d’atterrissage en plusieurs pays, il était à peu près inévitable que l’exploitation, aussi bien que l’établissement en lut concédé à des compagnies. Les correspondances avec les États-Unis se partagent entre cinq compagnies dont une seule est française. Toutes assujetties aux tarifs et aux règles de la Convention internationale, elles ont encore cependant intérêt à se faire concurrence en vue d’augmenter leur trafic. Pour cela, il n’est pas de dépenses qu’elles ne s’imposent. L’une, qui aboutit en Irlande, vient, par un câble annexe, solliciter la clientèle du Havre ; une autre qui atterrit à Brest possède un embranchement sur Penzance pour attirer le trafic anglais. Quelques-unes ont-elles des arrangemens secrets en vue de ruiner leurs concurrens ? C’est possible et même probable ; il est en tout cas difficile que les gouvernemens le sachent et s’y opposent.

Là du moins, il y a concurrence, ce qui n’est pas sans profit pour le public, puisque le meilleur moyen d’attirer la clientèle est encore de la servir avec exactitude et célérité. On a le choix encore entre deux compagnies lorsque l’on a besoin de télégraphier au Brésil. Mais les câbles de l’une et de l’autre aboutissant à Pernambouc, la pointe la plus avancée du Brésil vers, le nord-est, les télégrammes qui parviennent jusque-là à destination d’une localité plus éloignée, telle que Rio-de-Janeiro ou Montevideo, doivent emprunter une autre voie. Il y en a deux : le réseau terrestre des républiques brésilienne et argentine dont les transmissions sont assez lentes, et puis des câbles sous-marins allant de port en port et appartenant à une troisième compagnie. Or l’on a quelquefois reproché à celle-ci de favoriser l’une des compagnies sous-marines au détriment de l’autre, ce qui annulerait les effets de la concurrence.