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Saint-Cyr ou Saint-Maixent ; et aux étrangers qui nous viennent de tous les pays du monde, pour la première idée qu’ils aient à se former de nous, il serait au moins étrange de leur présenter autre chose que notre beau type d’officier, dans toute sa pureté. En cette matière, le choix s’impose avec une précision d’autant plus rigoureuse, qu’aujourd’hui les officiers passent vite à la Légion. Ils y viennent attirés par l’appât d’un grade à conquérir, d’une expédition à courir, en accident de la vie militaire habituelle, qui se fait de moins en moins nomade, de plus en plus rebelle aux hasards. Il faut reconnaître que si cette pratique n’est pas pour avantager la Légion, elle ne peut avoir que d’excellens résultats généraux. L’exacte tradition de la vie de campagne se perpétue mal dans une armée, où la majorité des chefs n’y est initiée que par ouï-dire : c’est une grande force de commandement, pour un officier, quand il peut enseigner, par expérience personnelle, comment s’affronte le feu ; il lui en reste un prestige aux regards du soldat, que toute la science des livres ne lui donnerait pas. Ouvrons donc très large à nos officiers d’avenir l’accès de la Légion, mais qu’ils n’y éternisent pas leur carrière sur la d’une d’Aïn Sefra, ou dans la brousse de Cao-Bang ; qu’ils reviennent s’instruire à la grande école de guerre de notre VIe corps, après avoir appris, au contact de ces légionnaires, qui sont des hommes dans toute l’acception du terme, la pratique de l’humanité et la science du commandement.

La tâche des officiers à la Légion se complique, non seulement de la nature et du nombre des hommes placés sous leurs ordres, mais aussi de la pauvreté numérique, militaire et morale des gradés dont ils ont l’emploi. Certes, il s’en trouve d’exceptionnellement méritans, parmi ces gradés subalternes ; mais, on en consomme tant, et le hasard a souvent une telle part dans leur investiture, qu’ils n’ont pas tous, il faut bien l’avouer, la figure que commande l’autorité qu’ils détiennent et aussi le milieu où ils l’exercent.

Numériquement ils sont insuffisans, parce que, aux compagnies des troupes étrangères qui atteignent à 250 hommes, on mesure les cadres sur le pied des compagnies de France dont l’effectif est de 100 hommes. C’est déjà peu ; mais, où la situation devient intolérable, c’est que ces cadres, déjà si réduits, ne peuvent jamais être au complet. Les régimens étrangers ont, en effet, l’obligation de fournir à leurs détachemens coloniaux les relèves de cadres nécessaires, avant qu’il soit procédé au rapatriement des gradés arrivés au terme de leur séjour aux colonies. Toutefois, il leur est interdit de les remplacer dans leurs propres cadres, qui restent ainsi ouverts, pour recevoir les futurs rapatriés ; et comme