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en Algérie, où l’on sera un jour content de les retrouver. De quelque illusion que se flatte un ministre de la guerre, il est, en effet, difficile de se figurer l’Algérie se gardant toute seule, quand s’ouvrira la prochaine guerre européenne.

Il ne l’est pas moins de douter de la gravité de la situation où une pareille éventualité placerait nos nombreuses colonies. Avec leur force armée déjà bien restreinte du temps de paix, elles ne sauraient suffire à faire face aux périls qui peuvent fondre sur elles à l’improviste. Les abandonnera-t-on sans remède quoi qu’il arrive ; n’est-il pas plus sage de leur faire une minime part dans les prévisions, en ne disposant pas pour un autre usage des dernières ressources des troupes normalement affectées à leur service ?

A une tache coloniale, comme la nôtre, de jour en jour plus ardue, il y a longtemps qu’il eût fallu répondre par la création d’une armée coloniale : nous n’avons eu jusqu’ici que des moyens de fortune, et il est à craindre que nous n’en ayons jamais d’autres. Ainsi le veulent du moins les temps que nous traversons, dont tout le génie d’invention ne consiste qu’à imiter ou à contrefaire les institutions de voisins qui ne nous ressemblent pas. Hors l’infanterie de marine et la Légion, à moins d’expéditions de toutes pièces, nous n’enverrons personne aux colonies, pas même les tirailleurs algériens dont le recrutement s’en accommoderait mal. C’est pourquoi, si réduits comme troupes coloniales, est-il au moins nécessaire que nous les ayons bonnes, spécialisées pour leur but. Par sa nature, la Légion se trouve merveilleusement appropriée à cet usage ; il est la raison d’être de la richesse de son recrutement. Toutefois il reste à mettre celui-ci en rapport avec des exigences auxquelles il ne paraît pas qu’on ait suffisamment songé.


IV

L’engagement au titre étranger est de cinq ans, et se contracte de dix-huit à quarante ans. Ces deux limites sont une erreur.

Depuis que la nécessité a été sagement reconnue de n’envoyer, dans les pays chauds, que des hommes complètement faits, en écartant d’une part les trop jeunes, que leur formation incomplète rendrait vite la proie du climat, et de l’autre les trop vieux que l’excès d’alcool ou de misère a précocement usés, l’usage s’est établi à la Légion de fixer l’âge d’admission aux détachemens coloniaux entre vingt-deux et trente-cinq ans. Outre cette considération supérieure, de quelle valeur pourraient être, dans un corps exclusivement colonial, des enfans de dix-huit ans ou des barbons de quarante ?