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à l’industrie et au commerce, et les grèves ouvrières, et les procédés du fisc, et, par-dessus tout, les menaces du socialisme et de son fourrier politique, le radicalisme.


V

Nous touchons ici à un point sur lequel il vaut la peine de s’expliquer. S’il est utile pour un pays riche, à territoire borné, comme la France, d’avoir une partie de sa fortune placée au dehors, il serait désastreux que les capitaux français en vinssent à déserter, systématiquement, les entreprises françaises et les industries nationales. C’est là, pourtant, ce dont nous risquons fort d’être témoins, pour peu que la faiblesse de nos gouvernans incline davantage vers les décevantes doctrines des socialistes et les thèses ineptes du radicalisme. Nous assisterons à l’exode des capitaux à l’étranger. Mais à qui en incombera la faute ? Est-ce au cosmopolitisme financier, à l’internationalisme de la haute banque ? Non, hélas ! la faute en sera à ceux qui dénoncent, quotidiennement, le capital comme un ennemi public ; à ceux qui, en attendant de le saisir et de le dépouiller, le pourchassent dans leurs discours et leurs journaux, et qui n’ayant pu encore le traquer, par la loi, se plaisent à l’épouvanter de leurs menaces. Le capital a toujours été soupçonneux ; l’argent est défiant de sa nature ; il prend peur aisément ; on ne peut faire mine de l’attaquer sans le pousser à se cacher, à se dérober, à se mettre à l’abri. Il a besoin de sécurité pour se montrer ; s’il se sent en danger, il s’ingénie à se dissimuler, et pour cela, il ne va plus, comme autrefois, se terrer, niaisement, dans des cachettes plus ou moins faciles à découvrir ; il aime mieux se réfugier dans les caisses des pays voisins et les valeurs de l’étranger. C’est plus sûr, et c’est plus productif. Que ce soit donc bien entendu ; s’il y a jamais, chez nous, une grève des capitalistes et une émigration des capitaux, la responsabilité en retombera, tout entière, sur les détracteurs et sur les spoliateurs du capital. Est-il vrai que, au lieu de rester en France à féconder nos champs et alimenter nos industries, les capitaux français tendent de plus en plus à émigrer, et à émigrer sans esprit de retour, la haute banque et l’Internationale de l’or en sont bien innocentes. Radicaux, socialistes, antisémites, auraient tort de s’en plaindre ; ne font-ils point tout ce qui est en leur pouvoir pour décourager les capitalistes, pour effrayer les capitaux, et les décider à se réfugier en des pays plus hospitaliers ? Il vaut la peine d’y réfléchir en ces temps brouillons où de verbeux réformateurs