M. Fustel de Coulanges ne cessait de répéter que l’histoire est « la plus difficile des sciences. » Plus il avançait en âge, et plus il se confirmait dans cette idée. Il avait beau multiplier dans ses écrits les marques de son incomparable talent, et se prouver à lui-même, comme aux autres, qu’aucune tâche n’était au-dessus de ses forces ; jamais il n’abordait un nouveau sujet d’étude sans ressentir ce genre d’émotion qui précède les grandes batailles. La poursuite du vrai était pour lui « la lutte d’une intelligence contre un problème. » Ce n’est pas lui qui se fut engagé à la légère dans un pareil combat ; il s’armait, au contraire, de pied en cap avant de descendre dans l’arène, et il doutait toujours de la victoire. « Ceux qui croient tout savoir, disait-il, sont bien heureux. Ils n’ont pas le tourment du chercheur. Les demi-vérités les contentent ; au besoin, les phrases vagues les satisfont… Ils sont sûrs d’eux-mêmes ; ils marchent la tête haute ; ils sont des maîtres et ils sont des juges[1]. » M. Fustel n’avait pas tant de sérénité ni tant de présomption. En histoire, il n’apercevait pas une seule question qui fût aisée à résoudre ; une voix intérieure lui criait constamment : « Va plus avant ! tu n’as pas encore trouvé le vrai. » Dans une note inédite, il se définit ainsi : « Un esprit qui interroge, qui scrute, qui peine et qui souffre. » Ce « grand soigneur de la science, » comme on l’a sottement appelé, n’ambitionnait pas d’autre gloire que celle qui s’attache aux grands érudits. Sa vie n’a été qu’un long effort intellectuel, mêlé de vives
- ↑ Inédit. Mme Fustel de Coulanges a bien voulu m’autoriser à prendre communication et à faire usage des papiers inédits de son mari. Je me plais à lui en exprimer toute ma reconnaissance.