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croira pas de l’humeur qu’il est, crue la tendresse et le plaisir de la revoir fussent bien capables d’arrêter ou de suspendre les résolutions qu’il aurait prises. »

Le projet d’envoyer, en même temps que la princesse Adélaïde, le fils du prince de Carignan échouait devant l’opposition formelle de ses parens, qui ne pouvaient se résoudre à se séparer d’un enfant en bas âge. Mais la tendresse paternelle n’était pas pour arrêter beaucoup le duc de Savoie, qui avait ses visées. « Le sieur Groppel avait insinué, dit une note postérieure[1], l’extrême désir qu’avait M. le duc de Savoye que Mademoiselle sa fille estant en France, y puisse estre élevée dans l’espérance du mariage de Mgr le duc de Bourgogne. M. de Tessé avait déjà le pouvoir de lui faire espérer cet honneur, et S. M. lui a donné ordre de le confirmer. »

Ainsi encouragé, Tessé donnait suite à l’affaire, et les négociations entre Groppel et lui étaient poussées assez loin pour qu’à la date du 3 mai 1693, Groppel lui communiquât un projet de traité dont il ne voulait pas à la vérité lui laisser prendre copie, mais dont, à force de lui faire répéter les termes, Tessé pouvait transmettre à peu près mot pour mot la teneur à Versailles. Ce projet est écrit sur deux colonnes[2], les réponses de Tessé étant en regard des propositions de Groppel. L’article 3 des propositions de Groppel était ainsi conçu : « Que le mariage de Mgr le duc de Bourgogne avec Mademoiselle la princesse de Savoye se traittera incessamment, pour s’effectuer lorsque les futurs seront en âge, et que le contrat se fera présentement. » À cette proposition Tessé répondait : « J’aurai l’honneur de traitter au nom du Roi et de Monseigneur du mariage de Mgr le duc de Bourgogne avec Mademoiselle la princesse de Savoye, dont le contrat sera signé et conclu en même temps que le présent traitté, pour en estre la consommation remise au temps que l’âge le permettra. » Mais avant que cet accord ne fût réalisé, l’affaire devait encore passer par bien des péripéties, et la négociation se trouver suspendue par une vigoureuse reprise d’hostilités. C’était sans doute pour mieux cachera ses alliés le jeu qu’il jouait vis-à-vis de la France que Victor-Amédée venait mettre le siège devant Pignerol, où il ne jetait pas moins de 4 000 bombes (août 1693). Mal lui en prenait, au reste, car Catinat s’avançait pour secourir Pignerol, et le forçait à livrer la bataille de la Marsaille qui fut pour lui une sanglante défaite (4 octobre 1693). Il est même surprenant qu’un mois après cette défaite Victor-Amédée ait, en grand secret, envoyé de nouveau Groppel à Pignerol pour reprendre la

  1. Aff. étrang. Turin, vol. 94, 20 avril 1693.
  2. Aff. étrang. Turin, vol. 94.