Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce n’est le mal de mer. Puisque l’on n’a pu jusqu’ici contraindre l’Océan à se tenir tranquille, on cherche à supprimer du moins l’incommodité qui résulte de son agitation. Il avait été imaginé à cet effet un salon suspendu, qui devait rester fixe quelles que fussent les oscillations du navire et, comme ce salon ne pouvait être maintenu immobile par sa seule gravité, un mécanisme hydraulique devait le redresser en temps opportun. Le conducteur, dans un moment de distraction, manœuvra son mécanisme à contresens ; c’en fut assez pour condamner le système. Un autre essai, tenté sur le Calais-Douvres, ne fut pas plus heureux : il consistait à accoler ensemble, côte à côte, deux coques jumelles. Ce double navire offrait plus de stabilité, mais il était peu solide. Une compagnie américaine ne réussit pas mieux avec la « caisse à roulis ». Celle-ci flottait dans un réservoir à demi plein d’eau, et l’on comptait que le mouvement intérieur de cette eau contrarierait ou compenserait le balancement extérieur, imprimé par les vagues. La force et la durée des coups de roulis, malheureusement trop variables, déjouèrent les calculs, et l’on dut renoncer à cette « caisse », de peur qu’elle-même un jour, obéissant aux flots au lieu de leur résister, n’amenât par son poids mobile le navire à engager, c’est-à-dire à incliner sur le côté de manière qu’il ne pourrait plus se redresser. Ces essais infructueux ne doivent pas faire désespérer de l’avenir ; on parviendra sans doute à supprimer le mal de mer sur les paquebots ; il faut bien laisser quelque chose à souhaiter aux générations futures.

L’appréhension des gros temps à ce résultat que les transatlantiques, qui naviguent à moitié vides dans la mauvaise saison, refusent du monde en été. Des 300 000 voyageurs qui montent annuellement sur les bateaux de cette compagnie, le plus grand nombre se rend en Algérie et n’effectue, par conséquent, que de courts trajets ; tandis que des 112 000 passagers transportés par les Messageries, la majorité est à destination de l’Extrême-Orient, tout au moins de la Turquie et de l’Egypte. Le chiffre a beau être trois fois plus élevé dans la première société que dans la seconde, les recettes de l’une et de l’autre sont sensiblement pareilles, variant de 54 à 55 millions.

Du Havre pour New-York il part à peu près 30 000 personnes par an, de New-York au Havre il n’en arrive que 15 000. Cette différence représente les émigrans qui ne reviennent pas. Le total des billets de première classe, — 5 000 à 6 000, — celui des secondes classes, beaucoup plus bas, — 1 300 à 1 800, — est le même dans les deux sens. Mais les trois quarts des individus qui peuplent les dortoirs de la troisième classe s’embarquent sans