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M. Méline, ni de M. Poincaré qui ont depuis longtemps fait leurs preuves ; mais M. Turrel, M. Delombre, M. Georges Cochery ont pris rang parmi nos meilleurs orateurs d’affaires. M. Delombre, rapporteur général du budget, était connu surtout comme brillant publiciste ; il s’est fait du premier coup une belle place de debater parlementaire. Quant à M. Georges Cochery, président de la Commission, c’est à lui que revenait la principale responsabilité dans la direction du débat, et il s’est montré de taille à la soutenir. Le discours vigoureux par lequel il a clos la discussion générale n’a laissé debout que le gouvernement, mais peu de chose de son projet. Si on met en regard de ceux qui l’ont attaqué les orateurs qui ont défendu ce projet, il est impossible de ne pas constater chez ces derniers une infériorité marquée. Il n’y a eu, en réalité, que M. Doumer qui ait adroitement exposé son système et qui ait montré quelque souplesse de talent dans une mauvaise cause. Nous ne parlons pas du président du Conseil, M. Bourgeois, parce qu’il a paru peu familier avec les questions de finance et qu’il a pris rapidement le parti de faire de la politique. C’est par là, il est vrai, qu’il a exercé une action efficace sur une partie de l’assemblée. Il s’est fait très modeste. Il n’a demandé à la Chambre que de voter sur le principe du projet, se montrant extrêmement coulant sur ce qu’il a appelé les voies et moyens, c’est-à-dire sur les procédés d’exécution. Pourvu qu’on lui accordât le mot d’impôt sur le revenu, il s’est déclaré satisfait : on verra ensuite après les vacances, après les élections municipales, comment il sera possible d’en faire l’application. C’est sur ce point qu’a porté l’équivoque, et c’est grâce à cette équivoque que le gouvernement a réussi à se sauver. Il n’y a pourtant qu’un moyen d’appliquer l’impôt sur l’ensemble du revenu, c’est de demander au contribuable une déclaration de ce revenu, ou, à défaut de celle-ci, de le taxer d’office. Si on procède autrement, si on cherche à deviner le revenu, à le supposer d’après les signes extérieurs qui le manifestent, on revient au système actuel, et on ne peut le compléter qu’en ramenant les revenus, à l’exemple de l’Angleterre, à un certain nombre de cédilles sur lesquelles on opère séparément. L’impôt global, ainsi qu’on l’appelle d’un mot dont nous demandons pardon de nous servir, mais qui est devenu courant, a pour conséquence logique, nécessaire, inévitable, la déclaration du contribuable ou la taxation discrétionnaire de l’administration. Et c’est précisément pour ce motif que nous le condamnons. M. Méline a insisté pour que la Chambre votât qu’elle ne voulait ni de la déclaration, ni de la taxation administrative, et il est hors de doute qu’elle n’en veut pas. Mais M. Pourquery de Boisserin, d’accord avec le cabinet, a demandé que la question fût réservée. On verra plus tard, à loisir, s’il y a lieu de recourir à ces procédés ou à d’autres. Le gou-